t ne m'en parait pas moins facile a demontrer.
Voyez la scene du notaire. Rien de plus simple, de plus logique ni de
plus fort. Voila un homme dans l'exercice de sa profession; il pose
les questions qu'il doit poser, et ce sont justement ces questions, si
naturelles, qui determinent la catastrophe. Ici, nous ne sommes plus au
theatre; il ne s'agit plus de ce qu'on nomme "une ficelle", un expedient
visible, consacre, use, passe a l'etat de loi. Nous sommes dans la vie
ordinaire, dans ce qui doit etre. Aussi l'effet a-t-il ete immense.
Toute la salle etait secouee. La preuve est-elle assez concluante, et me
donne-telle assez raison? Voila ce qu'on obtient avec la verite banale
de tous les jours.
Et ce n'est pas tout. Voyez Coralie pendant cette scene et les
suivantes. Tout un coin de la vraie fille est risque ici fort habilement
et dans une juste mesure des necessites sceniques. D'abord, voici la
fille avec son roman naif, son histoire d'une soeur a elle qui aurait
laisse neuf cent mille francs a Daniel; elle ne s'est pas inquietee des
lois qu'elle ignore, elle s'est contentee d'un de ces mensonges qu'elle
a faits cent fois a ses amants et dont ceux-ci se sont toujours montres
satisfaits. Aussi se trouble-t-elle tout de suite, lorsque le notaire la
met en face des realites. C'est un chateau de cartes qui s'ecroule, et
elle en reste suffoquee, eperdue, sans force pour mentir de nouveau,
pleurant comme une enfant. L'observation est excellente; une fois
encore, nous sommes dans la vie. J'en dirai de meme pour certaines
parties de la grande scene entre Coralie et son fils, tout en faisant
pourtant des reserves, car l'auteur ici verse singulierement dans la
declamation et dans les gros effets inutiles. J'aurais voulu plus de
discretion dramatique, certain que le coup porte sur le public aurait
encore grandi. Rien de meilleur que l'embarras de Coralie, lorsque
Daniel lui demande le nom de son pere; tres juste egalement la
conclusion de la scene, le pardon du fils acceptant sa mere, quelle
qu'elle soit. Seulement, c'est la que je voudrais moins de rhetorique.
Daniel fait des phrases sur la redemption, sur l'honneur, sur la
famille. A quoi bon ces phrases, dont on rirait dans la realite?
Pourquoi ne pas parler simplement et dire tout juste ce que Daniel
dirait, s'il etait seul a seule avec sa mere, dans une chambre? Toujours
l'idee qu'on est au theatre et qu'il faut donner un coup de pouce a
la verite, si l'on veut obtenir l'e
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