verite du _Nid des
autres_ ne se dit qu'a l'oreille.
Meme admettons que l'histoire soit propre, il faudra toujours faire de
Mathilde une femme sotte ou une femme mechante, si l'on veut expliquer
sa fuite avec Desiree. Dans la realite, on n'a jamais vu les jeunes
epouses quitter leurs maris pour suivre des dames de leur connaissance.
Si cela arrive, c'est qu'il y a des raisons, et il faut mettre ces
raisons en lumiere; autrement, les figures ne se tiennent plus debout.
C'est une surprise, lorsque Mathilde s'en va avec Desiree, parce
que l'analyse du personnage ne nous a pas prepares a cette action.
L'ecrivain qui etudie la vie, l'explique par la meme, jusque dans ses
inconsequences. Quand je demande qu'on porte la realite au theatre,
j'entends qu'on y fasse fonctionner la vie, avec tous ses rouages, dans
la merveilleuse logique de son labeur.
C'est donc une singuliere idee que de parler de verite exacte a propos
du _Nid des autres_. Aucune piece, au contraire, n'a du etre plus
faussee. Et je n'ai pas encore cite ce Montbrisson, qui est las de
trainer partout, cet eternel Desgenais qui apporte dans sa poche un
denoument enfantin. Est-il assez factice, celui-la! Puis, comme cette
Desiree se laisse aisement ecraser! Dans la realite, les Desiree
triomphent toujours. C'est que la encore les auteurs ont voulu plaire.
Decides a rire de l'aventure, ils ont evite le drame par un tour
d'escamotage. Mais, bon Dieu! sommes-nous assez loin de l'histoire dont
tout Paris s'est occupe!
Et sait-on pourquoi les auteurs ont prefere une comedie aimable? C'est
a coup sur pour conquerir le public, qui exige des personnages
sympathiques. On ne se doute pas de la quantite des pieces mediocres que
la necessite des personnages sympathiques fait ecrire. Par exemple, on
a un beau drame; seulement, on s'apercoit que les heros ne sauraient
plaire aux ames sensibles; ce sont de grands passionnes ou de grands
revoltes, qui marchent trop brutalement dans la vie; alors, on les
chausse de pantoufles pour qu'ils fassent moins de bruit, on les taille,
on les rogne, jusqu'a ce qu'ils soient dignes d'un prix de vertu. Et ce
n'est pas tout, il faut etablir une compensation, mettre deux honnetes
gens pour un gredin; c'est a peu pres la proportion ordinaire. Mathilde
est nulle et effacee, parce que, si elle etait perverse, son mari
ne pourrait la reprendre, et il faut pourtant qu'il la reprenne au
denoument. D'autre part, les auteurs ont ajoute Montbrisson
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