Georges, qui va partout, se fait presenter par un ami
chez une fille galante, un soir de fete, dans une villa des environs de
Luchon. Le hasard le met en presence d'une femme, lasse et desabusee,
qui traverse la piece en maudissant les hommes. Voila, certes, une
figure d'une fraicheur douteuse. Mais l'important est qu'elle porte un
bracelet, sur lequel se trouve le portrait de Saint-Andre. Enfin Georges
tient la bonne piste. Saint-Andre lui-meme arrive. Les auteurs ont
aussitot accumule les couleurs noires sur son compte: il lance les
maximes les plus abominables; il se montre joueur, libertin, sans foi
ni loi; il donne des lecons de vice a Georges et finit par lui raconter
nettement le viol de sa mere, comme un bon tour qu'il a fait dans le
temps. C'est vraiment trop commode de batir ainsi un mauvais pere, juste
sur le patron d'infamie que l'on desire.
Le denoument, le quatrieme acte, se passe encore dans l'auberge.
Saint-Andre et ses amis vont partir pour une chasse a l'ours. Georges,
qui est de la bande, pose la these sur laquelle repose la piece, et une
discussion s'engage, ou l'on dit ses verites a la voix du sang. Puis,
Georges, convaincu par cette discussion, livre son vrai pere a son pere
adoptif, qui se trouve dans une piece voisine. Un duel a lieu, pendant
lequel le jeune homme se tord les bras. M. Darcey rentre, il a tue
Saint-Andre. Alors, Georges se jette dans les bras du survivant, en
criant: "Mon pere! mon pere!" et M. Darcey repond: "Mon fils! oui, mon
fils!" Comme on le dit apres la solution de tout probleme, c'est ce
qu'il fallait demontrer.
Je crois inutile de rentrer dans la discussion de la these. Les auteurs
ont voulu cela. Mais le premier venu peut vouloir autre chose, la
these absolument contraire par exemple, et le premier venu n'aura qu'a
arranger un autre drame, pour avoir egalement raison. La question d'art
seule demeure, et j'ai le regret de constater que l'argumentation a fait
un tort considerable au merite litteraire de l'oeuvre, en torturant
les faits et en embarrassant le dialogue de plaidoyers inutiles. Les
personnages n'obeissent plus a un caractere, mais a une situation; ils
font ceci et cela, non pas parce que leur nature est de le faire, mais
parce que les auteurs veulent qu'ils le fassent. Des lors, nous avons
des pantins au lieu de creatures vivantes.
VI
Je retrouve M. Louis Davyl a l'Odeon, avec une comedie en trois actes:
_Monsieur Cheribois_. Avant tout, j'analysera
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