. S'ils ont eprouve un instant des scrupules, ils se
sont ensuite persuade que le desespoir de Georges allant jusqu'a vouloir
mourir, etait une excellente note pour leur piece, en ce sens que ce
desespoir montrait l'affection passionnee du jeune homme a l'egard de M.
Darcey.
J'insiste maintenant sur la stupefiante determination du fils partant a
la decouverte de son pere pour venger sa mere. M. Darcey lui a raconte
que la malheureuse femme avait ete violee dans une auberge des Pyrenees,
pres de Luchon. Longtemps il a cherche le miserable pour le tuer.
Vingt-cinq ans se sont passes, l'aventure est oubliee, tout porte a
croire qu'une nouvelle enquete ne saurait aboutir. N'importe, Georges
entend partir sur-le-champ, et il emmene Borel. Les actes suivants vont
etre consacres a cette etrange chasse qu'un fils donne a son pere.
Je m'arrete et je me demande quels peuvent etre, au juste, les
sentiments qui animent Georges. Voila un garcon qui va se marier avec
une jeune fille qu'il adore; voila un fils qui retrouve un pere qu'il a
cru mort, et il abandonne cette jeune fille et ce pere pour se donner la
mission la plus lamentable et la moins utile qu'on puisse imaginer. Cela
est-il croyable? Remarquez que tout ce petit monde est tranquille et
heureux. A quoi bon remuer un passe mort, a quoi bon soulever une lutte
effroyable dans tous ces coeurs? Le vrai pere est un gredin: eh bien!
que ce gredin aille se faire pendre ailleurs; son fils n'a pas a jouer
le role de justicier, et s'il joue ce role, c'est uniquement pour
permettre a MM. Decourcelle et Claretie de faire un drame. Dans la
realite, a moins d'etre fou, Georges dirait simplement a M. Darcey: "Mon
veritable pere, c'est vous. Je ne veux pas savoir si j'en ai un autre.
Aimons-nous comme par le passe, et vivons en paix." Seulement, je le
repete, dans ce cas, il n'y avait pas de piece.
Georges est parti en guerre contre son pere. Nous le retrouvons avec
Borel, dans l'auberge des Pyrenees, ou l'attentat a ete commis. Un quart
de siecle s'est ecoule, personne naturellement ne peut le renseigner. Le
second acte ne contient guere que deux scenes, deux interrogatoires
que le jeune homme fait subir, l'un a un paysan, l'autre a un vieux
militaire, le pere Lazare, que l'age et la boisson ont abeti. Il tire
enfin de ce dernier un renseignement: l'homme qu'il cherche, son pere,
lui ressemble. Et c'est avec cette seule indication qu'il reprend ses
recherches.
Au troisieme acte,
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