tee au theatre est devenue
pauvre d'allures et meme invraisemblable dans les details. Sa remarque
est fort juste, en apparence. Pendant les trois actes, j'ai ete blesse
par un je ne sais quoi, par des sous-entendus qui m'echappaient et
qui m'empechaient de comprendre nettement la piece. Ainsi, je ne
m'expliquais pas du tout l'empire que Desiree exerce sur Mathilde.
Comment se fait-il que cette Mathilde, dont les auteurs font une
charmante creature, puisse quitter de la sorte un mari qu'elle adore,
pour suivre une amie et lui obeir en toutes choses? Evidemment, cela
n'est ni logique ni acceptable. Et M. Sarcey part de la pour laisser
entendre que, toutes les fois qu'on porte la verite telle quelle sur les
planches, elle y parait forcement absurde.
La conclusion est inattendue, car je soupconne au contraire que si, dans
_le Nid des autres_, la situation parait fausse, c'est que les auteurs
n'ont point ose la mettre au theatre dans sa monstrueuse verite. Tout
cela est si delicat que je ne saurais meme insister. Il n'y a qu'une
debauche qui puisse donner a Desiree son empire sur Mathilde. Des lors,
on comprend tout, et le drame qui s'ouvre est d'une grandeur abominable.
Sans doute, c'etait un sujet impossible. Seulement, qu'on ne vienne pas
dire, en s'appuyant sur cet exemple, que la verite exacte est absurde
sur les planches; car ici, loin d'avoir reproduit la verite exacte, les
auteurs ont du l'amputer violemment, la reduire a une fable inoffensive
et peu intelligible. Imaginez certaines comedies d'Aristophane arrangees
pour un public parisien.
Et l'embarras des auteurs a ete si evident, lorsqu'ils ont aborde cette
terrible figure de Desiree, qu'ils se sont resignes a la tourner au
comique. Il faut la voir se jeter au cou de Mathilde, quand celle-ci
revient de voyage; elle pousse de petits cris, elle se pame, si bien
qu'elle souleve des rires dans la salle. Le soir de la premiere
representation, on a trouve ca drole, on ne comprenait pas. Pourtant,
j'etais un peu etonne. Cette exageration devait-elle etre mise au compte
de l'actrice? Je ne le crois pas aujourd'hui, je pense plutot que les
auteurs ont voulu indiquer ce qu'ils ne pouvaient dire. Leur piece me
fait l'effet d'un paravent charmant, un peu rococo, bon a mettre dans un
salon, et derriere lequel se passe une effroyable aventure. Certes, ce
n'est pas avec de tels elements qu'on peut experimenter si la verite
toute crue est possible ou impossible au theatre. La
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