, pour
compenser Desiree. Nous touchons la a la plaie de mediocrite du theatre.
Je prends _le Nid des autres_, non comme un exemple de ce que devient
la realite au theatre, mais comme un exemple de ce que l'on fait de
la realite au theatre. Et cet exemple est caracteristique, lorsqu'on
l'etudie.
V
Les pieces a these sont de facheuses pieces. Elles argumentent au lieu
de vivre. Comme toute question a deux faces, le pour et le contre, elles
ne plaident fatalement qu'une opinion, elles n'ont qu'un cote de la
realite. Or, l'art est absolu. Les pieces a these sont donc en dehors de
l'art, ou du moins ont toute une partie de discussion qui encombre et
rabaisse l'oeuvre entiere.
Voici, par exemple, MM. A. Decourcelle et J. Claretie qui viennent de
faire jouer au Gymnase un drame en quatre actes, _le Pere_, dans lequel
ils ont voulu prouver des verites delicates et fort discutables. Selon
eux, le pere adoptif qui eleve un enfant est plus le pere de cet enfant
que le veritable pere qui l'a abandonne. La voix du sang n'existe pas.
Il ne suffit point de donner par hasard l'etre a une creature pour se
dire son pere, il faut encore achever cette naissance en faisant une
belle ame de cette creature. Tout cela est parfait en theorie, et meme
beau; seulement, dans la realite, les choses prennent une allure moins
nette, le bien et le mal se melent, et il est singulierement difficile
de se prononcer.
Les pieces a these ont surtout ceci de facheux, que les auteurs peuvent
et doivent les arranger pour leur faire signifier ce qu'ils veulent.
Tous les paradoxes sont permis au theatre, pourvu qu'on les y mette avec
esprit. On a un plaidoyer, on n'a pas la verite. Si l'on derange une
seule des poutres de l'echafaudage, tout croule. C'est un chateau de
cartes qu'il faut considerer de loin, en evitant de le renverser d'un
souffle.
Ainsi, on ne s'imagine pas toutes les precautions que les auteurs ont du
prendre pour faire tenir leur drame debout. D'abord, il s'agissait de
donner le pere adoptif, M. Darcey, comme l'homme le plus sympathique du
monde, honnete, loyal, un heros. Par contre, il fallait presenter le
pere veritable comme un gredin, tout en lui laissant l'apparence d'un
homme du monde; et M. de Saint-Andre est devenu un viveur, un profil
romantique de miserable dont les bottines vernies foulent toutes les
choses saintes. Mais cela ne suffisait pas. Pour creuser l'abime entre
l'enfant et le vrai pere, les auteurs ont du
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