ec Gervaise,
et admettez que Coupeau, tout en connaissant Lantier, ignore ses anciens
rapports avec la jeune femme; des lors, Coupeau, qui est un honnete
ouvrier, pourra ramener Lantier dans son menage, et, de ce retour,
naitront tous les elements dramatiques necessaires. Gervaise,
naturellement, tremblera devant Lantier et refusera avec horreur le
marche de honte qu'il lui offre pour garder le silence. Quant au
denoument, il sera aimable ou triste, selon le theatre ou l'on portera
la piece.
Mais la rencontre la plus curieuse est peut-etre que le retour de
Lantier, dans le roman et dans le drame, a lieu pendant un repas de
famille. Seulement, dans le roman, le repas est donne le jour de la fete
de Gervaise; tandis que, dans le drame, il a lieu le jour de la fete de
Coupeau.
Je n'ai pas besoin de faire remarquer les consequences enormes que la
legere modification du sujet amene au point de vue theatral. Au lieu de
cette decheance lente du menage, qui est le roman tout entier, on
n'a plus qu'un honnete menage d'ouvriers tyrannise et menace par un
sacripant. Les auteurs ont meme charge Lantier en noir; ils en ont
fait un assassin, que les gendarmes emmenent au denoument, ce qui est
vraiment trop gros et noie leur oeuvre dans les eaux vulgaires du
melodrame. Quant a Coupeau et a Gervaise, ils se marient et sont
heureux. On pretend, il est vrai, que la piece etait en cinq actes et
qu'on l'a reduite pour les besoins du Gymnase. Je serais bien curieux de
connaitre les deux actes que M. Montigny a fait couper.
Et voyez le prodige, les rencontres ne s'arretent pas la! La fille des
Coupeau, Nana, est aussi dans la piece. Or, cette Nana etait encore
bien embarrassante; on pouvait, a la verite, ne pas pousser les choses
jusqu'au bout, en la ramenant au bercail, avant qu'elle eut glisse a la
faute; mais elle n'en demeurait pas moins un danger, si l'on ne mettait
pas a cote d'elle une consolation. Aussi Nana a-t-elle une soeur, une
demoiselle bien elevee et sans tache, grandie en dehors du milieu
ouvrier, et qui, au denoument, epousera le patron de la fabrique ou
travaille Coupeau. Cela compense tout.
Je ne veux pas insister davantage. Je repete une fois encore que
j'accuse le hasard seul. Il m'a paru simplement interessant de montrer
comment, sans le vouloir, MM. Lafontaine et Richard ont tire de
l'_Assommoir_ la piece que des hommes de theatre auraient pu y trouver.
En outre, comme j'ai accorde de grand coeur a deux auteur
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