ent aujourd'hui, n'ont envahi le theatre que depuis
le commencement du siecle. Ce sont elles qui ont impose l'etrange code
auquel on veut soumettre tous les debutants. Les fameuses regles, le
criterium d'apres lequel on juge si tel ecrivain est ou n'est pas doue
pour le theatre, viennent de ces pieces. Peu a peu, elles se sont
imposees comme un amusement facile qui interesse sans faire penser, et
on a voulu plier toutes les productions dramatiques a leur formule. Il
n'a plus ete question que "des scenes a faire". On a deserte la grande
etude humaine pour ce joujou, mettre des bonshommes en bataille et leur
faire executer des culbutes de plus en plus compliquees. Ajoutez que des
esprits ingenieux, et meme quelques esprits puissants, se sont livres
a ce jeu et y ont accompli des merveilles. Voila comment le theatre
actuel,--une simple formule passagere dont on veut faire "le
theatre",--occupe les planches, a la grande tristesse des ecrivains
naturalistes.
Souvent la critique cite les maitres. C'est pourtant peu les honorer que
de ne point se montrer severe pour les pieces a situations. Dans toutes
les litteratures, tous les chefs-d'oeuvre dramatiques condamnent ces
pieces et montrent leur inferiorite. Certes, ce n'est ni dans le theatre
grec, ni dans le theatre latin que nos auteurs habiles ont pris les
regles du petit jeu de societe auquel ils se livrent. Ni Shakespeare ni
Schiller ne leur ont enseigne l'art de plonger un personnage dans une
fable compliquee, puis de l'en retirer par la peau du cou, sans que
ses vetements eux-memes aient souffert. Si j'arrive a nos classiques,
l'exemple devient encore plus frappant. Ou prend-on que Corneille,
Moliere, Racine sont les maitres du theatre a notre epoque? Les auteurs
contemporains n'ont rien d'eux, je ne parle pas du talent, mais de
l'entente de la scene et de la veine dramatique. Qu'on cesse donc de
parler des maitres, a propos de notre theatre actuel, car nous les
insultons chaque jour par la facon ridicule et etroite dont nous
employons leur glorieux heritage.
La formule qui regne en ce moment n'a donc pas d'excuse. Elle ne saurait
meme invoquer en sa faveur la tradition. Elle ne se rattache en rien aux
chefs-d'oeuvre de notre litterature dramatique. Je ne puis developper
ici les arguments que je fournis; mais il est aise de le faire. Cette
formule est nee de l'ingeniosite et de l'habilete d'une generation
d'auteurs. Elle a recree le public, car elle offre le gros inte
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