istique.
Mais les faits sont encore plus significatifs. Si les personnages
restent uniquement des poupees destinees a etre rangees sur une table,
comme les soldats de plomb des enfants, tout l'interet se porte sur
le drame dont ils vont etre les acteurs complaisants. Ils deviennent
passifs, ils subissent l'action, demeurent ou on les place, font un pas
en arriere ou en avant, selon les besoins de la strategie dramatique.
Or, rien n'est plus etrange que cette action qu'ils subissent. Il s'agit
pour les auteurs de pousser leurs soldats de plomb, de les mettre en
face les uns des autres, dans des positions critiques, de faire croire
qu'ils sont perdus et qu'ils vont se manger, puis de les degager le plus
habilement possible, en sacrifiant ceux qui sont trop embarrassants, et
de dire enfin au public ravi: "Mesdames et Messieurs, voila comment la
farce se joue. Tout ceci n'etait que pour vous plaire et vous montrer
notre adresse d'escamoteurs." Peu importent la vie reelle, le
developpement logique des histoires vraies, la grandeur simple de ce
qui se passe tous les jours sous nos yeux. Les hommes d'experience
et d'autorite vous repeteront qu'il faut des situations au theatre;
entendez par la qu'il faut mener en guerre vos soldats de plomb et vous
exercer a les jeter dans des bagarres, pour avoir la gloire de les en
tirer sans une egratignure.
Je le dis une fois encore, l'art dramatique ainsi entendu est un art
absolument inferieur, qui doit degouter les penseurs et les artistes. Je
parlais d'une partie de piquet. Mais il est une comparaison plus juste
encore, celle d'une partie d'echecs. Les personnages ne sont plus que
des pions. MM. Jules Kervani et Pierre de l'Estoile ont pu se dire: "Les
blancs font mat en cinq coups." Et ils ont joue leurs cinq actes. Oui,
leurs personnages sont en bois, de simples pieces de buis; j'accorde, si
l'on veut, qu'on les a sculptes et qu'ils ont des figures humaines;
mais ils n'ont surement ni cervelles ni entrailles. Quant au drame, il
devient une combinaison, plus ou moins ingenieuse; on entend le petit
claquement des pieces sur l'echiquier, et le probleme est resolu, la
critique se contente de declarer le lendemain: "Bien joue!" ou: "Mal
joue!" De l'etude humaine, de l'analyse des temperaments, de la nature
des milieux, pas un mot!
Voila, n'est-ce pas, qui est d'un grand vol, voila qui elargit
singulierement notre litterature dramatique! Remarquez que les pieces a
situations qui regn
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