ret du
roman-feuilleton, dont l'invention a passionne la masse des lecteurs
illettres. Et c'est ainsi qu'elle s'est etalee, au point de faire dire
qu'elle est tout le theatre, et qu'en dehors d'elle il n'y a pas de
succes possible. Heureusement, l'histoire litteraire est la pour
affirmer que l'etude de l'homme passe avant tout, avant l'action
elle-meme. On a decourage les esprits superieurs en faisant un simple
echiquier de la scene. Telle est l'explication de la royaute du roman a
notre epoque, tandis que le theatre se traine et agonise.
Un grand ecrivain etranger s'etonnait un jour devant moi des deux
litteratures si nettement tranchees qui vivent chez nous cote a cote,
le roman et le theatre. Le premier s'elargit et grandit chaque jour; le
second s'epuise et tend a retomber aux treteaux. Cela provient, selon
moi, de ce que le roman est dans le courant du siecle, dans ce courant
naturaliste qui emporte tout. Au contraire, le theatre resiste, s'entete
dans des combinaisons ridicules, refuse la vie qui deborde autour
de lui. La routine, les engouements du public, la complicite de la
critique, l'enfoncent davantage. On prevoit le resultat: si, dans un
temps donne, une renovation n'a pas lieu, le theatre roulera de plus bas
en plus bas; car il est impossible que la foule, nourrie des verites du
roman, ne se degoute pas tout a fait des enfantillages laborieux des
auteurs dramatiques. D'ailleurs, de meme que le theatre a regne au
dix-septieme siecle, peut-etre au dix-neuvieme siecle le roman doit-il
regner a son tour.
Je reviens a MM. Jules Kervani et Pierre de l'Estoile, et je conclus.
Sans doute, ils ont fait preuve d'un effort louable en produisant
_l'Obstacle_. Mais ils debutent, ils ont de l'ambition, ils desirent
monter le plus haut possible. Alors, je crois devoir leur dire ce que
personne ne leur a dit. La piece a situations, si honorablement qu'on la
traite, reste une oeuvre inferieure. Ils auraient denoue _l'Obstacle_
d'une facon plus habile encore, qu'ils n'auraient jamais ete que des
joueurs d'echecs. S'ils veulent grandir, ils doivent se hausser jusqu'a
l'etude de l'homme, aborder les passions, nouer et denouer leurs drames
par les seules passions. Plus haut, toujours plus haut! Tachez de monter
dans la verite et dans le genie! Tel est, selon moi, le seul langage
qu'un critique ait lieu de tenir aux debutants qui arrivent avec leur
jeunesse et leur bonne volonte.
IV
MM. Aurelien Scholl et Armand Da
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