sion de M. de
Champlieu; l'aveu de M. de Liray a son fils; la rencontre des deux
peres, avec la femme coupable entre eux. On a trouve tout cela, je le
repete, tres bien combine, emmanche solidement, fabrique avec adresse.
Aussi a-t-on salue MM. Jules Kervani et Pierre de l'Estoile comme des
jeunes ecrivains heureusement doues pour le theatre.
J'ai eu la curiosite de lire tout ce qu'on a ecrit sur _l'Obstacle_,
et j'affirme que le seul regret de la critique a ete que les auteurs
n'eussent pas pu sortir plus brillamment du probleme insoluble qu'ils
s'etaient pose. Imaginez un joueur de piquet dont une nombreuse galerie
suit le jeu. La galerie est emerveillee par la hardiesse de l'ecart et
tout a fait enchantee par deux ou trois coups successifs qui denotent
une science hors ligne. Malheureusement, la fin de la partie est moins
brillante: le joueur gagne, mais grace a des expedients dangereux, et
il ne gagne que d'un point. Alors, la galerie dit: "C'est facheux, une
partie si bien commencee! N'importe, ce joueur n'est pas la premiere
mazette venue." Telle a ete exactement l'attitude de la critique, a
l'egard de MM. Jules Kervani et Pierre de l'Estoile.
Eh bien! que ces messieurs me permettent de leur tenir un autre langage.
Je suis le seul de mon opinion; aussi vais-je lacher d'etre tres clair
et d'appuyer mon dire sur des arguments decisifs. Certes, les deux
auteurs, en ecrivant _l'Obstacle_, ont fait une oeuvre tres honorable,
et je me rejouis de leur succes. Mais je crois remplir strictement mon
devoir de critique, en leur disant qu'ils ont choisi la une formule
dramatique inferieure, et qu'ils doivent se degager au plus tot de cette
formule, s'ils ont la moindre ambition litteraire.
J'arrive aux preuves. Que sont leurs personnages? Des pantins, pas
davantage. Les jeunes gens sont des jeunes gens, les peres sont des
peres, le tout completement abstrait, chaque figure representant une
idee et non un individu. Il me semble voir ces personnages portant
chacun un ecriteau sur la poitrine: "Moi je suis un jeune homme honnete
qui aime une jeune fille... Moi je suis un pere honnete dont la femme
s'est mal conduite..." Quant a l'homme que cache l'ecriteau, il nous
reste profondement inconnu; nous ne voyons seulement pas le bout de son
nez, nous ignorons ce qu'il a dans le ventre. Aucune analyse humaine, en
somme; pas un seul document nouveau, une simple exhibition de sentiments
generaux qui manquent meme de tout relief art
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