atre actes que M. Henri de Bornier a
fait jouer a l'Odeon. La salle l'a compris et a furieusement applaudi
les passages ou les alexandrins du poete, en rangs presses, font
aisement mordre la poussiere aux ennemis de la France. Je n'insiste pas.
Mais ce que je veux repeter encore, c'est ce que j'ai deja dit a propos
de _l'Hetman_ et de _Jean d'Acier_. Pour un poete, l'oeuvre vraiment
patriotique est de laisser un chef-d'oeuvre a son pays. Moliere, qui n'a
pas agite de drapeaux, qui n'a pas joue des fanfares devant sa baraque
avec les mots d'honneur et de patrie, reste la souveraine gloire de
notre nation; et il a vaincu toutes les nations voisines, sur le champ
de bataille du genie. Nous triomphons continuellement par lui. Quant a
cet autre pretendu patriotisme, a ce boniment qui jongle avec de grands
mots, qui enleve les applaudissements d'une salle par des tirades, il
n'est pas autre chose qu'une speculation plus ou moins consciente. Il
y a une improbite litteraire absolue a faire ainsi acclamer des
vers mediocres. C'est mettre le chauvinisme sur la gorge des gens:
applaudissez, ou vous etes de mauvais citoyens. C'est forcer le succes
et baillonner la critique, c'est se faire sacrer grand homme a bon
compte, en deplacant la question du talent et de la morale. Voila ce que
je repeterai chaque fois que j'aurai assiste a un de ces succes ou il
est impossible de juger le veritable merite d'un auteur.
Je me sens donc, des l'abord, tres gene devant la nouvelle oeuvre de M.
de Bornier, car il semble avoir compte sur nos bons sentiments pour que
nous la considerions comme une oeuvre noble et vengeresse. Moi qui la
trouve beaucoup trop noble et insuffisamment vengeresse, je demande
avant tout de negliger le patriotisme, dans une question ou il n'a que
faire, et de juger le drame au strict point de vue dramatique.
Voici le sujet, brievement. Attila, apres sa campagne dans les
Gaules, campe au bord du Danube, ou il attend la fille de l'empereur
Valentinien, qu'il a fait demander en mariage. Il traine derriere lui
tout un troupeau de prisonniers, dans lequel se trouvent le roi des
Burgondes, Herric, et sa fille Hildiga, sans compter une Parisienne, une
femme du peuple, Gerontia. En outre, un general franc, Walter, qui aime
Hildiga, commet l'imprudence de se presenter pour traiter de sa rancon
et de celle de son pere. Attila prend l'argent et le retient prisonnier.
Puis, le drame se noue, des que Maximin, ambassadeur de Rome, v
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