uelles j'etais attache comme a
des bijoux. Il y en avait de rouges tachetees et de noires avec des
cercles blancs. Je ne possedais rien qui me fut plus cher. Un instant,
j'hesitai devant un sacrifice aussi considerable et pensai du moins y
soustraire cette agate couleur de feu ou la lumiere transparaissait et
qui etait ma favorite. Il m'apparut que si je conservais celle-la mon
offrande ne valait plus rien. D'un geste plus resigne qu'enthousiaste,
je pris le lot tout entier et courus le remettre gauchement a ma
nouvelle amie sans un mot d'explication. Elle fut un peu surprise, et
cependant n'hesita point a l'accepter:
--C'est zoli, me dit-elle. Vous etes zentil.
Elle se servait de mots usuels, que j'entendais prononcer d'habitude
sans prendre garde a leur son, et c'etait comme si elle les
transformait en un autre langage, tout fleuri et chantant. Je
m'enhardis jusqu'a lui parler a mon tour, pousse peut-etre par une
idee de justice: je me privais de mes billes, une compensation
m'etait due.
--Je sais, declarai-je avec un peu d'emphase, que vous vous appelez
Nazzarena.
Aussitot elle se rejouit de ma science:
--Ah! ah! il sait mon nom. Mais ce n'est pas Nazzarena, c'est Nazarre-
na. Repetez.
Je dus apprendre son accent. Apres quoi elle m'interrogea:
--Et vous?
--Francois.
--Comme le saint d'Assise. Et d'ou etes-vous?
--Oh! d'ici, voyons.
Comment aurais-je pu etre d'ailleurs? On habitait sa ville et sa
maison. Comprit-elle sa bevue? Elle ne me demanda plus rien, et c'est
moi qui repris, non sans timidite:
--Et vous?
--Je ne sais pas.
Quelle drole de reponse! On sait toujours d'ou l'on est. Enfin!
--Alors, vous n'avez pas de maison a vous?
--C'est ca, notre maison.
Elle me designa de la main une des roulottes dont la devanture etait
peinte en vert. Je ne pus me meprendre a sa moue de mepris. Bien vite,
elle se detourna pour regarder sur la place les bonnes grosses
batisses en pierre de taille qui la bordaient de tous les cotes: ma
ville est ancienne et rude, et l'on y construisait pour les siecles.
Elle mesurait peut-etre la solidite de la vie sedentaire, j'imaginais
l'attrait de la vie nomade que je resumai ainsi:
--Ce doit etre bien amusant.
--Quoi donc?
--De changer tout le temps de localite.
Le terme de localite etait employe a dessein, pour lui donner de moi
une haute opinion.
--C'est selon, repliqua-t-elle. Il y a des endroits ou la recette est
mauvaise. Une fois,
|