illes que je
connaissais, les amies de mes soeurs, parlaient, jacassaient, riaient,
jouaient, se prenaient par la taille. Celle-la passait comme une
idole.
La representation se termina par une pantomime que je retins scene par
scene. Rentre a la maison, je la reconstituai tant bien que mal en
mobilisant ma soeur Nicole et jusqu'a Jacquot pour un role subalterne,
plus deux petits camarades que j'amenais, et avec cette troupe
improvisee j'en voulus offrir le regal a mes parents, pour celebrer la
fete de l'un ou de l'autre. On nous interrompit au beau milieu sans
aucun respect de l'art dramatique. Seul, grand-pere s'amusait
bruyamment, de quoi tante Dine le tanca. En reflechissant a cet
incident, j'ai compris dans la suite qu'il s'agissait d'un mari qu'on
bernait. L'innocente Nicole etait chargee de ce soin et sur mes
instructions s'en acquittait a merveille. Et le cirque me fut
interdit.
La petite reine foraine qui du haut de son cheval n'avait fait qu'un
saut dans ma memoire etait sans doute destinee a demeurer pour moi un
souvenir magnifique et lointain. Mais grand-pere aimait a frequenter
les artistes, les irreguliers. Je le voyais bien au Cafe des
Navigateurs. Avec tout le groupe de Martinod il se rangeait contre les
bourgeois. Comme nous passions un jour sur la place du Marche, il
contourna la tente pour aller rejoindre les roulottes.
--Ou allons-nous, grand-pere? murmurai-je, car le coeur me battait.
--Je veux voir ces gens-la de pres.
Et il s'arreta, en effet, pour causer avec les hommes qui fumaient
leurs pipes, tandis que les femmes preparaient la soupe ou
raccommodaient les habits. Il leur parlait dans une langue inconnue
qui devait etre l'italien. Sur ses levres, cette langue n'etait pour
moi qu'incomprehensible. Il la prononcait a peu pres comme les mots
dont nous nous servions. Tout au plus allongeait-il certaines syllabes
pour escamoter les suivantes. Tandis que, dans la bouche de ces hommes
bronzes, elle prenait un accent etrange, tantot bas et tantot aigu,
comme une pimpante musique.
Avions-nous affaire aux clowns ou aux acrobates? Les freres Marinetti
etaient absents. Les voir la m'eut rempli d'orgueil. Le seul
personnage important que je crus reconnaitre, ce fut la danseuse de
corde. Encore etait-elle couronnee de cheveux gris un peu
deconcertants. Elle ravaudait avec melancolie une jupe de gaze
bouillonnante et sale. J'ignorais que cela s'appelle un tutu.
Cependant je cherchais des yeux
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