ents de detresse
quand on s'est cramponne a une derniere esperance, et que cette branche
vous casse dans la main.
Il ne restait plus que la prefecture de police; je me dirigeai de ce
cote. En arrivant au boulevard, je trouvai le passage intercepte par des
troupes qui defilaient, infanterie et artillerie. La foule avait ete
refoulee dans la rue et elle regardait le defile, tandis qu'aux fenetres
s'entassaient des curieux. On criait: Vive la Constitution! a bas
Soulouque! a bas les pretoriens! Et les soldats passaient sans se
retourner.
Tout a coup il se fit un brouhaha auquel se mela un tapage de ferraille;
c'etait une piece d'artillerie qui s'etait engagee sur le trottoir, les
chevaux s'etaient jetes dans les arbres et ne pouvaient se degager. Les
hommes criaient, juraient, claquaient; un cheval glissant sur l'asphalte
s'abattit.
Cet incident, bien ordinaire cependant, avait mis la confusion dans la
batterie; on entendait les commandements, les jurons et les coups de
fouet qui se melaient dans une inextricable confusion.
--Ils sont souls comme des grives, dit une voix dans la foule.
Et de fait, plusieurs hommes chancelaient sur leurs chevaux; tous
avaient la figure allumee et les yeux brillants.
Pendant que j'attendais que le passage fut devenu libre, j'apercus dans
la foule un de mes anciens camarades de classe; il me reconnut en meme
temps et s'approcha de moi.
--En bourgeois, dit-il, tu n'es pas avec ces gens-la, tu me fais
plaisir; alors tu viens voir cette mascarade militaire. Quelle grotesque
comedie! ca va finir dans des sifflets comme la descente de la
Courtille; c'est aussi ridicule que Boulogne et ce n'est pas peu dire.
--Tu crois?
--Tu vois bien que tout cela n'est pas serieux; la foule n'est la que
pour blaguer les soldats qui se sauveraient honteusement si on ne les
avait pas soules.
--Je suis beaucoup moins rassure que toi; tu n'as donc pas lu la
proclamation du prefet de police?
--Ca, c'est une autre comedie, c'est ce qu'on peut appeler la blague
de la proclamation; hier, Saint-Arnaud qui veut qu'on fusille les
prisonniers; aujourd'hui, Maupas qui veut qu'on fusille les passants;
demain, nous aurons Morny qui nous menacera de quelque autre folie.
Ce sont les fantoches de l'intimidation. Il faut bien que ces gens-la
gagnent les vingt millions qu'ils ont fait prendre a la Banque et qu'ils
se sont partages: leur coup d'Etat n'a pas eu d'autre but; maintenant
qu'ils ont l'argent, ils
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