tibule, et trouvant une petite porte,
s'engouffrerent dans la cave; mais en ce moment deux ou trois
detonations eclaterent sous nos pieds. On tirait par les soupiraux.
Alors il se produisit une confusion terrible; les personnes qui etaient
deja dans la cave remonterent precipitamment et se jeterent sur celles
qui descendaient; ce fut un tourbillon, les malheureux se poussaient, se
renversaient, marchaient les uns sur les autres; c'etait a croire qu'ils
etaient frappes d'une folie furieuse.
Des coups de crosse retentirent a la porte, qui trembla dans ses
ferrures.
--N'ouvrez pas! crierent quelques voix.
--Ouvrez! ouvrez! criait-on du dehors, ou nous enfoncons la porte.
Et, presque en meme temps, trois ou quatre coups de fusil furent tires
dans les serrures.
Au milieu de ce desordre et de cette terreur affolee j'avais conserve
une certaine raison, et si je ne m'expliquais pas ce qui se passait sur
le boulevard, je comprenais tout le danger qu'il y avait a ne pas ouvrir
cette porte; les soldats allaient l'enfoncer et, se precipitant furieux
dans la maison, ils commenceraient par jouer de la baionnette.
Ce fut ce que j'expliquai en quelques mots, et nous obligeames le
concierge a tirer son cordon.
Des gendarmes se ruerent dans l'entree la baionnette baissee; vivement
j'allai au-devant d'eux; ils se jeterent sur moi et me collerent contre
le mur.
--Vous avez tire, dit un sergent en me prenant les deux mains, qu'il
flaira.
Si je ne sentais pas la poudre, il sentait, lui, terriblement
l'eau-de-vie.
--Au mur! cria un gendarme en voulant m'entrainer dans la cour.
--C'est un _gant jaune_, dit un autre, au mur!
D'autres gendarmes, une quinzaine, une vingtaine peut-etre, s'etaient
precipites dans la maison, et tandis que les uns couraient dans la cour,
les autres montaient l'escalier; deux etaient restes a la porte la
baionnette basse pour nous empecher de sortir.
--Au mur! repeta le gendarme qui me tenait par un bras.
Je les aurais supplies de m'ecouter, j'aurais voulu m'expliquer avec
calme, tres-probablement j'aurais ete fusille, ce fut l'habitude du
commandement militaire qui me sauva.
Je repoussai le gendarme qui m'avait pris par le bras, puis m'adressant
au sergent qui donnait des ordres a ses hommes, je lui dis:
--Sergent, avancez ici.
Il se retourna vers moi.
--Vous m'accusez d'avoir tire?
--On a tire de dedans les maisons; je ne dis pas que c'est vous; nous
cherchons qui.
-
|