estion. La
troupe tirait dans les fenetres.
--Eh bien, dis-je a mon camarade, crois-tu a la proclamation de Maupas,
maintenant?
--Oh! les monstres!
Alors le souvenir des paroles qui avaient ete prononcees devant moi a la
prefecture de police me revint: c'etait la ce qu'on appelait "envahir un
quartier par la terreur."
XXX
La fusillade continuait toujours sur le boulevard; il y avait des feux
de peloton, des coups isoles, puis des courts intervalles de repos
pendant lesquels on entendait le tapage des carreaux qui tombaient.
Dans la maison dont l'allee nous servait de refuge, ce tapage de vitres
se melait aux cris des locataires qui, eperdus de terreur, se sauvaient
dans les appartements interieurs ou dans l'escalier; ils s'appelaient
les uns les autres; puis tout a coup leurs cris etaient etouffes dans
une decharge generale qui dominait tous les bruits par son roulement
sinistre.
Pourquoi cette fusillade continuait-elle? lui repondait-on des fenetres
du boulevard? Nous ne pouvions rien voir et nous en etions reduits a
attendre sans rien comprendre a ce qui se passait au dehors; chacun
faisait ses reflexions, donnait ses explications, toutes plus
deraisonnables les unes que les autres.
--Les soldats se battent entre eux.
--Ils sont cernes par les republicains.
--Ils tirent a poudre.
--Allons donc, a poudre; est-ce que les coups charges a poudre font ce
bruit strident?
--Et les carreaux, est-ce la poudre qui les casse?
Nous etions quatre ou cinq personnes ayant pu nous refugier dans la cour
de cette maison, et parmi nous se trouvait un jeune homme qui avait
recu un coup de sabre sur le bras. Mais il ne s'inquietait pas de sa
blessure, qui saignait abondamment, et il ne pensait qu'a se faire
ouvrir la porte.
--Ou est ma mere? disait-il desesperement; laissez-moi aller la
chercher.
--Vous etes entre malgre moi, disait le concierge; vous n'ouvrirez pas
malgre moi.
Et tandis qu'il suppliait le concierge en repetant toujours d'une voix
desolee: "Ouvrez-moi! ouvrez-moi!" d'autres personnes criaient avec
colere "N'ouvrez pas, ou vous nous faites massacrer!"
La fusillade ne se ralentissait pas et les carreaux continuaient a
tomber dans notre escalier, nous avertissant que notre maison etait un
but de tir. On entendait aussi les balles ricocher contre la grande
porte ou s'enfoncer dans le bois.
Tout a coup, les personnes qui se trouvaient dans l'escalier se
precipiterent dans le ves
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