bruit n'arrivait jusqu'a nous, ni le roulement des voitures, ni le
ronflement des machines a vapeur: tout semblait frappe de mort dans
cette enorme agglomeration de maisons, et ce silence etait sinistre.
De Bicetre au Mont-Valerien, la distance est longue, surtout pour un
cheval de fiacre; je laissai ma voiture au bas de la cote et montai au
fort. La aussi les prisonniers etaient nombreux; mais M. de Planfoy
n'etait point parmi eux.
L'officier qui me repondit le fit avec beaucoup moins de complaisance
que ceux a qui j'avais eu affaire a Ivry et a Bicetre: il me croyait
evidemment un ami de la prefecture, et il ne se genait pas pour m'en
marquer son mepris.
--Ils ne savent donc pas ce qu'ils font, me dit-il comme j'insistais
pour qu'on cherchat M. de Planfoy, ce n'est pas a moi de reconnaitre
leurs prisonniers; c'est bien assez de les garder.
Ce mot de revolte etait le premier que j'entendais dans la bouche d'un
officier. Je m'expliquai franchement avec ce brave militaire, et nous
nous separames en nous serrant la main.
J'etais a bout et ne savais plus a quelle porte frapper. Ou chercher
maintenant? a qui s'adresser? Je pensai a aller chez le personnage qui
m'avait offert sa protection lorsque je lui avais remis les lettres de
mon pere. Il connaissait M. de Planfoy, il consentirait peut-etre a
s'occuper de lui et a joindre ses demarches aux miennes. Apres
avoir quitte ma voiture a l'Arc-de-Triomphe, je me dirigeai vers la
Chaussee-d'Antin.
Ceux-la seuls qui ont parcouru les Champs-Elysees a quatre ou cinq
heures du matin peuvent se faire une idee de leur aspect, le 4 decembre,
a une heure de l'apres-midi. L'etranger qui fut arrive a ce moment, ne
sachant rien de la revolution, eut cru assurement qu'il entrait dans une
ville morte, comme Pompei.
Ce fut seulement en approchant de la place de la Concorde que je trouvai
une grande masse de troupes; on attendait toujours; la bataille n'avait
donc pas encore commence.
Je me hatai vers la Chaussee-d'Antin, et a mesure que j'avancais, je
trouvais les curieux des jours precedents: on causait avec animation
dans les groupes, et tout haut on raillait les soldats et les agents de
police.
Je ne m'arretai point pour ecouter ces propos, mais le peu que
j'entendis me surprit; on ne paraissait pas prendre la situation par le
cote serieux.
La mauvaise fortune voulut que mon personnage ne fut point chez lui, et
je me trouvai deconcerte, comme il arrive dans les mom
|