e de Planfoy si ces rumeurs arrivaient jusqu'a elle!
A la barriere d'Italie on nous arreta, et des agents de police dirent au
cocher qu'il ne pourrait pas rentrer dans Paris.
--Pourquoi?
--Lisez l'affiche.
Sur les murs des bureaux de l'octroi une proclamation venait d'etre
collee, elle prevenait les habitants de Paris que la circulation des
voitures etait interdite, et que le stationnement des pietons dans
les rues serait disperse par la force sans sommation: "les citoyens
paisibles devaient rester chez eux, car il y aurait peril a contrevenir
a ces dispositions."
Les termes de cette proclamation n'etaient que trop clairs; ils disaient
que la ville appartenait a la troupe, et que la vraie bataille allait
commencer; la veille, c'etaient les prisonniers seulement qui devaient
etre fusilles, aujourd'hui, ceux qui se trouvaient dans la rue
s'exposaient a etre massacres sans sommations,--la sommation c'etait
cette proclamation du prefet de police Maupas qui continuait dignement
celle du ministre Saint-Arnaud.
Mon cocher etait reste interloque en apprenant qu'il ne pourrait pas
rentrer dans Paris, je le decidai a me conduire a Bicetre en lui
promettant de le garder pour aller au Mont-Valerien si je ne trouvais
pas a Bicetre la personne que je cherchais: l'idee de travailler pendant
que tous les cochers de Paris se reposeraient le fit rire.
En gravissant la rampe qui conduit au fort, nous depassames des femmes
qui marchaient en trainant leurs enfants par la main. A l'entree du
fort, d'autres femmes etaient assises sur le gazon humide. Quelles
etaient ces femmes? Venaient elles visiter leurs maris prisonniers? ou
bien voulaient-elles voir si parmi les prisonniers qu'on amenait ne se
trouvaient pas leurs maris ou leurs fils? Les malheureuses n'avaient
pas comme moi un talisman pour penetrer derriere ces murailles, et le
"passez au large" des factionnaires les tenait a distance.
M. de Planfoy n'etait point a Bicetre et je me mis en route pour le
Mont-Valerien, sans grande esperance, il est vrai, mais decide a aller
jusqu'au bout et a ne pas m'arreter avant de l'avoir retrouve.
Lorsque en temps ordinaire on se trouve sur une hauteur aux environs
de Paris, on entend une vague rumeur, quelque chose comme un profond
mugissement; c'est l'effort de la ville en travail, le bourdonnement
de cette ruche immense. Surpris de ne pas entendre le canon ou la
fusillade, je fis deux ou trois fois arreter la voiture; mais aucun
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