ccablee: on eut dit des boeufs ou des moutons
qu'on conduisait a la boucherie et qui se laissaient conduire.
M. de Planfoy n'etait point parmi ces prisonniers, et il n'etait pas
davantage parmi ceux qui avaient ete deja amenes au fort.
Je me remis en route pour Paris, et comme il m'etait impossible de
penetrer cette nuit dans Bicetre ou dans le Mont-Valerien, je rentrai
chez moi; j'etais accable de fatigue; je marchais sans repos depuis
dix-huit heures.
Les rues etaient silencieuses, sans une seule voiture, sans un seul
passant attarde: deux fois seulement je rencontrai de fortes patrouilles
de cavalerie: Paris etait-il vaincu sans avoir combattu, ou bien se
preparait-il a la lutte?
XXIX
Le lendemain, c'est-a-dire le jeudi 4 decembre, avant le jour, je partis
pour Bicetre, mais, plus heureux que la veille, je pus trouver une
voiture dont le cocher voulut bien me conduire.
Arrives au carrefour de Buci, nous fumes arretes par une barricade; rue
Dauphine nous en trouvames une seconde, rue de la Harpe une troisieme.
La nuit avait ete mise a profit pour la resistance. Quelques groupes
se montraient ca et la, et dans ces groupes on voyait briller quelques
fusils. Pas de troupes, pas de patrouilles, pas de rondes de police dans
les rues, la ville semblait livree a elle-meme.
L'agitation d'un cote, le silence de l'autre produisaient une etrange
impression; en se rappelant ce qu'avait ete Paris la veille, on se
sentait malgre soi le coeur serre: qu'allait-il se passer? Ou les
troupes etaient-elles embusquees? Instinctivement on regardait au loin,
au bout des rues desertes, cherchant des canons pointes et des escadrons
formes en colonnes; les sentiments qu'on eprouvait doivent etre ceux du
gibier qui se sait pris dans un immense affut.
Ma voiture etait un _milord_, et par suite des differents changements de
direction qui nous avaient ete imposes par les barricades, je m'etais
trouve souvent en communication avec le cocher qui se retournait sur son
siege et m'adressait ses observations.
--Ca va chauffer, dit-il en montant la rue Mouffetard, le general
Neumayer arrive a la tete de ses troupes pour defendre l'Assemblee,
seulement le malheur c'est qu'on a deja fusille Bedeau et Charras, sans
compter les autres, car hier on a massacre tous les prisonniers.
Il n'y avait aucune importance a attribuer a ces bruits, cependant,
malgre moi, j'en fus peniblement impressionne; que devait eprouver la
malheureuse madam
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