rs la Bastille; au carrefour de la rue
de Charonne, je trouvai deux obusiers pointes pour que l'un enfilat
la rue de Charonne et l'autre la rue du Faubourg-Saint-Antoine; les
artilleurs, prets a manoeuvrer leurs pieces, etaient soutenus par une
compagnie du 44e de ligne.
On ne me barra pas le passage et je pus arriver jusqu'a la place de la
Bastille, qui etait occupee militairement avec toutes les precautions en
usage dans une ville prise d'assaut: des pieces etaient pointees dans
diverses directions, commandant les grandes voies de communication;
toutes les maisons placees avantageusement pour pouvoir tirer etaient
pleines de soldats postes aux fenetres; sur la place, le long du canal,
sur le boulevard, les troupes etaient massees. L'aspect de ces forces
ainsi disposees etait fait pour inspirer la terreur a ceux qui
voudraient se soulever: on sentait qu'a la premiere tentative de
soulevement tout serait impitoyablement balaye; une demi-section du
genie etait la pour dire que, s'il le fallait, on cheminerait a travers
les maisons, et que la hache et la mine acheveraient ce que le canon
aurait commence.
Les Parisiens, et surtout les Parisiens des faubourgs, ont maintenant
assez l'experience de la guerre des rues pour comprendre que, dans
ces conditions, s'ils se soulevent, ils seront broyes. Aussi faut-il
peut-etre expliquer, par ces reflexions que chacun peut faire, l'inertie
du peuple; s'il y a apathie et indifference dans le grand nombre, il
doit y avoir aussi, chez quelques-uns, le sentiment de l'impossibilite
et de l'impuissance. A quoi bon se faire tuer inutilement? les vrais
martyrs sont rares, et ceux qui veulent bien risquer la lutte veulent
generalement s'exposer en vue d'un succes probable et pour un but
determine: mourir pour le succes est une chose, mourir pour le devoir en
est une autre, et celle-la ne fera jamais de nombreuses victimes. C'est
la, selon moi, ce qui rend admirable la conduite de ces representants
qui veulent soulever le faubourg: ils n'ont pas l'esperance, ils n'ont
que la foi.
Si ces Parisiens dont je parle avaient pu entendre les propos des
soldats, ils auraient compris mieux encore combien la repression serait
terrible, s'il y avait insurrection.
Tous ceux qui connaissent les soldats et qui ont assiste a une affaire,
savent que bien rarement les hommes sont excites avant le combat, c'est
pendant la lutte, c'est quand on a eu des amis frappes pres de soi,
c'est quand la poudre a p
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