int-Arnaud et etait accompagne de considerations doucereuses pour
rassurer les bons citoyens. C'etait au nom de la societe et de la
famille menacees qu'on fusillerait ces ennemis de l'ordre "qui ne
combattaient pas contre le gouvernement, mais qui voulaient le pillage
et la destruction."
Je savais Saint-Arnaud capable de bien des choses, mais je n'aurais
jamais suppose qu'un militaire francais put mettre son nom au-dessous
d'une pareille infamie; jamais je n'aurais cru qu'un homme qui avait
l'honneur de tenir une epee decreterait, en vertu d'une loi qui n'avait
jamais existe, qu'on ne ferait pas de prisonniers et qu'on fusillerait
ses ennemis desarmes. Les hommes du coup d'Etat avaient eu la main
heureuse: ils avaient trouve le ministre qu'il fallait a leurs desseins.
Se trouverait-il dans l'armee un officier pour mettre a execution un
ordre aussi feroce? Deux jours avant le coup d'Etat je me serais fache
contre celui qui m'eut pose cette question; mais ce que j'avais vu avait
porte une rude atteinte a mes croyances.
Le pauvre M. de Planfoy avait ete precisement pris derriere une
barricade, et peut-etre l'avait-on deja fusille. Il n'y avait pas un
instant a perdre.
Mais je ne pouvais aller aussi vite que j'aurais voulu. Je n'avais
pas pu passer par l'Hotel du ville a cause des troupes, et j'avais du
remonter jusqu'a la rue Rambuteau par la rue Vieille-du-Temple. Dans ces
quartiers l'emotion et l'agitation etaient grandes. La mort de Baudin
n'avait pas produit "le meilleur effet," selon le mot de mon lieutenant,
et la proclamation de Saint-Arnaud achevait ce que le recit de cette
mort avait commence: on se revoltait, et de la conscience ou il avait
jusque-la gronde, ce mot passait dans l'action.
On croisait des groupes d'hommes en armes, et sur les affiches de la
prefecture de police on en collait d'autres qui appelaient le peuple a
la resistance.
Dans la rue Rambuteau, aux jonctions de la rue Saint-Martin, de la rue
Saint-Denis, on elevait des barricades, et en arrivant aux halles, je
vis un gamin qui, monte sur une brouette, lisait tout haut la feroce
proclamation de Saint-Arnaud. Pres de lui sept ou huit hommes
s'occupaient a depaver la rue.
--Ne faites donc pas tant de bruit, cria le gamin en arretant sa
lecture, ca vous empeche d'entendre le prix qu'on vous payera pour votre
travail.
Et reprenant d'une voix percante, en detachant ses mots comme un crieur
public, il lut:
"Tout individu pris const
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