dats l'ont emmene.
--Ou?
--Peux pas savoir; quand les soldats ont escalade la barricade en
allongeant des coups de baionnette a droite et a gauche, le vieux au
chapeau s'est fache: "Vous voyez bien que cet homme ne se defend
pas!" qu'il a dit aux troupiers. Mais les troupiers n'etaient pas en
disposition de rire; ils ont empoigne le vieux, ils l'ont bouscule, et,
comme il se defendait, il l'ont emmene.
--Ou l'ont-ils emmene?
--Au poste, bien sur.
--A quel poste?
--Est-ce que je sais? mais, pour sur, ce n'est pas au poste de la rue
Sainte-Marguerite, parce que les soldats ont file. Quand ils ne sont pas
les plus forts, ils demenagent; quand ils sont en force, ils reviennent
et ils cognent.
--Enfin, de quel cote se sont-ils diriges?
--Je n'ai pas vu; vous savez, dans la bagarre, chacun pour soi; et puis
les soldats avaient saute sur le representant pour l'emporter, de peur
qu'on ne promene son cadavre, et la, vous comprenez, c'etait plus drole
que de suivre le vieux au chapeau. Il avait trois trous a la tete, les
os etaient casses, la cervelle sortait.
Pendant que le gamin, tout fier de ce qu'il avait vu, me racontait
comment on avait enleve le cadavre du malheureux representant,
j'ecrivais deux lignes a madame de Planfoy pour la prevenir que je me
mettais a la recherche de son mari.
--Veux-tu gagner vingt sous? dis-je au gamin.
--S'il faut crier: Vive l'empereur!
--Il faut porter ce papier rue de Reuilly, a deux pas d'ici, et raconter
comment tu as vu arreter le vieux monsieur.
--Ca va, si vous payez d'avance.
Au moment ou je lui remettais ses vingt sous, nous vimes arriver deux
obusiers.
--Des canons, dit mon gamin, je ne peux pas faire votre course; ca va
chauffer, faut voir ca.
Je ne pus le decider qu'en changeant la piece de vingt sous en une piece
de cinq francs.
--Je ne veux pas vous voler votre argent, je vous previens donc que je
ne tirerai pas mon histoire en longueur.
Et il partit en courant.
C'etait quelque chose de savoir que M. de Planfoy avait ete arrete, mais
ce n'etait pas tout, il fallait apprendre maintenant ou il avait ete
conduit et le faire mettre en liberte.
Les soldats qui avaient pris la barricade appartenaient a la brigade qui
occupait la place de la Bastille; si, par hasard, je connaissais des
officiers dans les regiments qui formaient cette brigade, je pourrais,
par leur entremise, faire relacher M. de Planfoy.
Je me dirigeai donc rapidement ve
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