arle que la colere et l'exaltation nous
enflamment. Dans les troupes de l'armee de Paris, il en est autrement:
avant l'engagement, ces troupes sont animees des passions brutales de la
guerre; les fusils brulent les doigts, ils ne demandent qu'a partir.
--Les laches! disent les soldats en montrant le poing aux ouvriers qui
les regardent, ils ne bougeront donc pas, qu'on cogne un peu.
Qui les a excites ainsi? Est-ce le souvenir de la bataille de Juin
encore vivace en eux? Il me semble que Juin 1848 est bien loin, et la
rancune ordinairement n'enfonce pas de pareilles racines dans le coeur
francais.
Un mot que j'ai entendu pourrait peut-etre repondre a cette question.
Pendant que je tourne autour des troupes cherchant un visage ami, un
regiment de cuirassiers arrive sur la place.
--Qu'est-ce qu'ils viennent encore faire ceux-la? dit un soldat, il n'y
en a que pour eux; tandis que nous n'avons eu que du veau, ils ont eu de
l'oie et du poulet.
Mais je n'etais pas la pour ramasser des mots, si caracteristiques
qu'ils pussent etre, et ne trouvant personne de connaissance dans ces
regiments, je m'adressai au premier officier qui voulut bien se laisser
aborder.
Si j'avais ete en uniforme rien n'eut ete plus facile, on m'eut ecoute
et on m'eut repondu; mais j'etais en costume civil, et c'etait ce
jour-la une mauvaise recommandation aupres des soldats, qui me
repoussaient et ne voulaient meme pas entendre mon premier mot.
Enfin, mon ruban rouge, ma moustache et ma tournure militaire attirerent
l'attention d'un lieutenant qui voulut bien m'ecouter. Je lui expliquai
ce que je desirais en lui disant qui j'etais.
--C'est une compagnie du 19e qui a ete engagee; il faudrait voir le
colonel du 19e ou bien le general.
--Et ou est le general?
--Je crois qu'il est au carrefour de Montreuil, a moins qu'il ne soit au
pont d'Austerlitz. Le plus sur est de l'attendre ici; il reviendra d'un
moment a l'autre.
C'etait evidemment ce qu'il y avait de mieux a faire pour aborder
le general; mais, en attendant, l'angoisse de madame de Planfoy
s'accroissait; je ne pouvais donc attendre.
Ce fut ce que j'expliquai a mon lieutenant, en lui demandant de me
donner un sergent pour me conduire au pont d'Austerlitz ou au carrefour
de Montreuil. Mais cela n'etait pas possible: un soldat seul au milieu
du faubourg pouvait etre desarme et massacre.
--Attendez un peu, me dit mon lieutenant, l'agitation se calme, la mort
du representa
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