lus qu'a une courte
distance de la barricade: elle se composait de trois compagnies
d'infanterie et elle occupait toute la largeur de la chaussee. D'un
cote, une foret de baionnettes; de l'autre, vingt combattants attendant
la mort silencieusement derriere ce mauvais abri.
Si la place etait dangereuse pour eux, elle l'etait aussi pour nous;
mais nous etions trop fortement emus pour penser a cela, et j'etais
immobile comme si mes pieds eussent ete fixes au sol.
--Ne tirez pas, dirent les representants en s'adressant aux defenseurs
de la barricade, nous allons parler aux soldats.
En effet, ils descendirent de dessus la barricade et s'avancerent
au-devant de la troupe. Dans ma vie de soldat, j'ai ete temoin de bien
des actes de calme et de courage, mais je n'ai jamais rien vu de plus
imposant que ces sept hommes s'avancant sur une meme ligne, lentement,
sans armes dans la main, n'ayant pour les proteger que leur echarpe de
representants deployee sur leur poitrine.
Les soldats qui marchaient au pas accelere s'arreterent d'eux-memes,
instinctivement, sans qu'il eut ete fait de commandement: un capitaine
etait a leur tete.
--Ecoutez-nous, dit un des representants, nous sommes representants du
peuple et nous defendons la loi, rangez-vous de notre cote.
--Taisez-vous, dit le capitaine, je ne peux pas vous entendre; j'ai recu
des ordres que je dois executer.
--Vous violez la loi.
--Je ne connais que mes ordres: dispersez-vous.
--Vous ne passerez pas.
--Ne m'obligez pas a commander le feu; retirez-vous!
--Vive la Republique! vive la Constitution!
--Mais retirez-vous donc! s'ecria le capitaine d'une voix forte; vous
voyez bien que vous n'etes pas soutenus.
Puis, se tournant vers ses soldats:
--Appretez armes!
A ce commandement les representants ne reculerent point et tous ensemble
pousserent de nouveau le cri de "Vive la Republique."
Les soldats se mirent en marche et arriverent sur les representants
qu'ils pousserent devant eux en les bousculant.
Ceux-ci voulurent resister et faire une barricade de leurs corps, pour
empecher les soldats d'aller plus loin.
Mais ils n'etaient que sept au milieu de cette large chaussee; que
pouvaient-ils contre cette troupe qui les enveloppait et les debordait?
Ils furent pousses jusqu'au pied de la barricade, tentant toujours avec
leurs mains portees en avant de s'opposer a cet envahissement.
Quelques soldats abaisserent leurs armes, et l'un des represen
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