i se preparaient a
combattre; bientot on apporta quelques fusils avec quelques cartouches
et j'entendis dire que les postes du Marche-Noir et de la rue de
Montreuil s'etaient laisse desarmer sans faire resistance.
J'aurais cru qu'un pareil fait, connu dans la foule, devait produire
un certain entrainement; mais il n'en fut rien et on eut grand'peine a
trouver des combattants pour les vingt fusils qui avaient ete apportes.
Et, comme le representant Baudin tendait un de ces fusils a un ouvrier
qui se tenait sur le trottoir les mains dans ses poches, celui-ci haussa
les epaules et dit nonchalamment:
--Plus souvent que je vas me faire tuer pour vous garder vos vingt-cinq
francs.
--Eh bien! restez la, dit Baudin sans colere et avec un sourire desole,
vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs.
Depuis quelques instants, j'etais sous la poids d'une emotion
etouffante: l'heroisme de cette folie me gagnait. Ce mot m'entraina,
j'etendis la main pour prendre le fusil que l'ouvrier n'avait pas voulu,
mais M. de Planfoy me retint.
--Tu n'es pas republicain, me dit-il a mi-voix.
--C'est pour la justice et l'honneur que ces gens-la vont se battre.
--Tu es soldat; vas-tu tirer sur tes camarades? as-tu envoye ta
demission a ton colonel?
Pendant cette discussion, le fusil avait ete pris; je ne repliquai
point a M. de Planfoy; nos esprits n'etaient point en disposition de
s'entendre.
D'ailleurs il s'etait fait du cote de la Bastille un bruit qui
commandait l'attention: la troupe approchait.
Il y eut alors dans la foule un mouvement de retraite rapide qui en tout
autre moment m'eut fait bien rire: en quelques secondes la rue encombree
se vida, les portes et les volets se fermerent, mais comme la curiosite
ne perd jamais ses droits, des tetes apparurent aux fenetres se penchant
prudemment pour jouir, sans trop s'exposer, du spectacle de la rue. En
voyant venir la troupe, les representants s'etaient rapproches de la
barricade, et M. de Planfoy et moi nous nous etions colles contre les
maisons.
--Eh bien, Schoelcher, dit Bastide a son ami en lui montrant les soldats
qui avancaient rapidement, qu'est-ce que tu penses de l'abolition de la
peine de mort?
Schoelcher, soit qu'il n'eut point entendu, soit qu'il fut trop
preoccupe pour repliquer a cette plaisanterie, ne repondit pas et monta
vivement sur la barricade, suivi de cinq ou six autres representants.
L'instant etait solennel; la troupe n'etait p
|