de lui: je vous emmene donc a l'Elysee et je vous presente;
le prince est tres-sensible aux devouements de la premiere heure, j'en
suis un exemple.
--Je vous remercie...
--N'attendez pas que le succes ait fait la foule autour du prince, venez
et prenez date pendant qu'il en est temps encore; plus tard, vous ne
serez plus qu'un courtisan; aujourd'hui, vous serez un ami.
--Ni maintenant, ni plus tard. Je vous suis reconnaissant de votre
proposition, mais je ne puis l'accepter.
--Ne soyez pas "belle ame," mon cher Saint-Neree, et reflechissez que
le prince va etre maitre de la France et qu'il serait absurde de ne pas
profiter de l'occasion qui se presente.
--Pour ne parler que de la France, je ne vois pas la situation comme
vous.
--Vous la voyez mal, le pays, c'est-a-dire la bourgeoisie, le peuple, le
clerge, l'armee sont pour le prince.
--Vous croyez donc que Lamoriciere, Changarnier, Bedeau sont pour le
prince?
--Il ne s'agit pas des vieux generaux, mais des nouveaux: de
Saint-Arnaud, Herbillon, Marulas, Forey, Cotte, Renault, Cornemuse, qui
valent bien les anciens. Qu'est-ce que vous croyez avoir ete faire en
Kabylie?
--Une promenade militaire.
--Vous avez ete faire des generaux, c'est la une invention du commandant
Fleury, qui est tout simplement admirable. Par ces nouveaux generaux que
nous avons fait briller dans les journaux et qui nous sont devoues, nous
tenons l'armee. Allons, c'est dit, je vous emmene.
Mais je me defendis de telle sorte que Poirier dut abandonner son
projet; il etait trop fin pour ne pas sentir que ma resistance serait
invincible.
--Enfin, mon cher ami, vous avez tort, mais je ne peux pas vous faire
violence; seulement, souvenez-vous plus tard que j'ai voulu vous payer
une dette et que vous n'avez pas voulu que je m'acquitte; quel malheur
que tous les creanciers ne soient pas comme vous! Bien entendu, je reste
votre debiteur; malheureusement, si vous reclamez votre dette plus tard,
je ne serai plus dans des conditions aussi favorables pour m'en liberer.
XX
Depuis le 25 novembre, jour de ma visite chez Poirier, de terribles
evenements se sont passes,--terribles pour tous et pour moi
particulierement: j'ai perdu mon pauvre pere et une revolution s'est
accomplie.
Maintenant il me faut reprendre mon recit ou je l'ai interrompu et
revenir en arriere, dans la douleur et dans la honte.
J'etais sorti de chez Poirier profondement trouble.
He quoi, cette expedi
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