qui etait plus probable, qu'il craignit d'etre
entraine a se prononcer pour le nouveau gouvernement, avant que ce
gouvernement fut solidement etabli.
Dans ces conditions, j'etais expose a rester longtemps a Paris, car les
chances de Louis-Napoleon me paraissaient bien fragiles; la France, qui
s'etait unanimement soulevee contre Paris au moment des journees de
juin, ne serait pas moins energique contre cette revolution sans doute.
Et alors mon personnage ferait le mort jusqu'au jour ou il ne verrait
plus de danger a ressusciter, pour prendre parti.
Je n'avais donc qu'une chose a faire, retourner aux Champs-Elysees,
comme je l'avais promis, et si je ne le trouvais pas, partir pour
Marseille, apres avoir remis mes papiers a M. de Planfoy. Par ce moyen,
tout me semblait concilie.
J'arrivai un peu apres six heures aux Champs-Elysees, et ce qui m'avait
paru probable se trouva une realite; mon personnage n'etait pas rentre
et on l'attendait toujours, mais je dois le dire, sans inquietude
apparente.
Je me mis alors en route vers le faubourg Saint-Antoine, pour aller chez
M. de Planfoy, qui habite, rue de Reuilly, ce qu'on appelait autrefois
"une petite maison" ou "une folie." Il a recu cette maison dans un
heritage, et comme il est peu fortune, il a trouve commode de l'habiter;
le jardin qui l'entoure est vaste, et pour Mme de Planfoy qui adore
ses enfants, c'est une consideration qui l'a fait passer sur les
inconvenients du quartier; ils vivent la un peu comme en province, mais
au moins ils ont de l'air et de l'espace.
Quand je quittai les Champs-Elysees, le jour commencait a poindre, mais
sombre et pluvieux; cependant il etait assez clair pour que j'apercusse,
aussi loin que mes yeux pouvaient porter, une grande masse de troupes:
infanterie, cavalerie et artillerie, qui campait dans les Champs-Elysees
et aux abords des Tuileries.
Comme j'avais du temps devant moi, je pris par les boulevards, curieux
de voir une derniere fois l'aspect de la ville. Paris semblait endormi
d'un sommeil de mort.
Cependant, a mesure que j'avancais, je remarquai une certaine animation;
des groupes se formaient dans lesquels on discutait fievreusement, mais
sans crier. On s'arretait devant les affiches posees pendant la nuit, et
toutes ces affiches ne provenaient pas de la Prefecture de police; j'en
lus plusieurs qui appelaient le peuple aux armes; les unes annoncaient
que Louis-Napoleon etait mis hors la loi; les autres, que Lyon, Rou
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