uelques mois il est travaille par les meneurs
de l'Elysee, et en retablissant le suffrage universel on nous enleve
notre force. D'autres raisons encore le retiennent. Cette nuit nous
avons eu une reunion a laquelle nous avions convoque les chefs des
associations ouvrieres. Nous leur avons explique qu'il fallait organiser
un centre de resistance; que dans ce centre tous les representants
restes libres viendraient se placer au milieu du peuple, et alors la
lutte pourrait commencer avec des chances serieuses. Savez-vous ce
qu'ils nous ont repondu! Le chef de ces associations, leur delegue
plutot, s'est avance et d'une voix honteuse:--"Nous ne pouvons vous
promettre notre appui, a-t-il dit, nous avons des commandes."
--Et, malgre cela, vous entreprenez la lutte?
--Nous le devons.
Emu a la pensee que ces braves allaient se faire massacrer, je voulus
expliquer a ce representant que la place de leur barricade etait mal
choisie, et qu'ils ne pouvaient se defendre. En quelques mots, je lui
expliquai les raisons strategiques qui devaient faire abandonner cette
position.
--Il ne s'agit pas de strategie, dit-il tristement; il s'agit d'un
devoir a accomplir; il s'agit de verser son sang pour la justice, et,
pour cela, toute place est bonne.
Puis serrant la main de M. de Planfoy il rejoignit les autres
representants qui allaient et venaient, s'adressant aux ouvriers groupes
sur les trottoirs et s'efforcant d'allumer en eux une etincelle.
--Voila un brave, dit M. de Planfoy, et s'il s'en trouve beaucoup comme
lui, tout n'est pas fini.
XXV
J'avais lu bien des recits d'insurrection, et ce qui se passait devant
mes yeux deroutait absolument les lecons que je tenais de la tradition.
Pour moi une insurrection etait quelque chose d'irresistible; c'etait
une explosion populaire, une eruption de paves; une barricade dans une
rue, toutes les rues devaient s'emplir de barricades.
C'etait au moins ce que j'avais lu dans les livres et dans les journaux,
mais la realite ne ressemblait pas aux recits des livres.
La barricade elevee au coin de la rue Sainte-Marguerite n'en avait point
fait jaillir d'autres; on parlait, il est vrai, d'une barricade qui
s'elevait dans le faubourg du cote de la barriere du Trone, mais cela
ne paraissait pas serieux. Ce qu'il y avait de certain et de visible,
c'etait qu'autour de ce chetif barrage improvise tant bien que mal dans
la rue, une centaine d'hommes s'agitaient comme des comediens dev
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