talee a nos pieds, il ne s'echappait pas un
murmure qui fut le signe d'une emotion populaire. Les cheminees
des usines lancaient dans le ciel gris leurs colonnes de fumee. On
travaillait.
--Et pourtant, dit M. de Planfoy, il vient de s'accomplir une revolution
autrement grave que celle que voulait tenter Charles X. Les temps sont
changes.
Nous descendions la rue de la Roquette. En approchant de la Bastille, M.
de Planfoy fut salue par deux personnes qui l'aborderent.
--Eh bien! dit l'une de ces personnes, vous voyez ou nous ont conduits
les folies de la majorite.
Et ils se mirent a parler tous trois des evenements qui
s'accomplissaient: des arrestations de la nuit, de l'appui de l'armee,
de l'apathie du peuple. Je compris que c'etaient deux membres de
l'Assemblee appartenant au parti republicain. Nous arrivions sur la
place de la Bastille. Devant nous un groupe assez compacte etait masse
sur la voute du canal.
--L'apathie du peuple n'est pas ce que vous croyez, dit l'un des
representants; le peuple est trompe, mais deja il comprend la verite de
la situation. Vous voyez qu'il se rassemble et s'emeut. Je vais parler
a ces gens; ils m'ecouteront. C'est en divisant la resistance que
nous epuiserons les troupes. Il suffit d'un centre de resistance pour
organiser une defense formidable. Si le faubourg se souleve, des quatre
coins de Paris on viendra se joindre a nous.
Disant cela, il prit les devants et s'approcha du groupe.
Mais ce n'etait point le souci de la chose publique et de la patrie qui
l'avait forme: deux saltimbanques en maillot se promenaient gravement
pendant qu'un paillasse faisait la parade, demandant "quatre sous
encore, seulement quatre pauvres petits sous, avant de commencer."
Le representant ne se decouragea point, et s'adressant d'une voix ferme
a ces badauds, il leur adressa quelques paroles vigoureuses et faites
pour les toucher.
Mais une voix au timbre percant et criard couvrit la sienne.
--Vas-tu te taire, hein? disait cette voix, tu empeches la parade; si tu
veux enfoncer le pitre, commence par etre plus drole que lui.
Nous nous eloignames.
--Voila l'attitude du peuple, dit M. de Planfoy. Avais-je tort ce matin?
Il considere que tout cela ne le touche pas, et que c'est une querelle
entre les bonapartistes et les monarchistes dans laquelle il n'a rien
a faire. Et puis il n'est peut-etre pas fache de voir ecraser la
bourgeoisie, qui l'a battu aux journees de Juin.
Dans la r
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