ue Saint-Antoine, a l'Hotel de ville, il n'y avait pas plus
d'emotion que sur la place de la Bastille. Decidement, les Parisiens
acceptaient le coup d'Etat qui se bornerait a l'arrestation de quelques
representants.
Ca et la seulement on rencontrait des rassemblements de troupes qui
attendaient.
Comme nous arrivions dans la rue de l'Universite, nous apercumes une
foule compacte et un spectacle que je n'oublierai jamais s'offrit a mes
yeux.
Un long cortege descendait la rue. En tete marchaient le general Forey
et le capitaine Schmitz, son aide de camp; puis venait une colonne de
troupes, puis apres cette troupe, entre deux haies de soldats, plus de
deux cents prisonniers.
Ces prisonniers etaient les representants a l'Assemblee nationale, qu'on
venait d'arreter a la mairie du 10e arrondissement; a leur tete marchait
leur president, qu'un agent de police tenait au collet.
Le passage de ces deputes, conduits entre des soldats comme des
malfaiteurs, provoquait quelques cris de: "Vive l'Assemblee," mais en
general il y avait plus d'etonnement dans la foule que d'indignation. Et
comme M. de Planfoy demandait a un boutiquier ou se rendait ce cortege:
--A la caserne du quai d'Orsay, dit-il; mais vous comprenez bien, tout
ca c'est pour la farce.
En rentrant dans l'appartement de mon pere, je me laissai tomber sur une
chaise, j'etais aneanti, ecoeure.
Une lettre qu'on me remit ne me tira point de cette prostration.
Elle etait de Clotilde, cependant. Mais j'etais dans une crise de
decouragement ou l'on est insensible a toute esperance. D'ailleurs,
les plaisanteries, les bavardages gais et legers de cette lettre, les
paroles de coquetterie qu'elle contenait n'etaient pas en rapport
avec ma situation presente, et elle me blessait plus qu'elle ne me
soulageait.
--Tu vas retourner a Marseille? me demanda M. de Planfoy apres un long
temps de silence.
--Oui, ce soir, et je partirais tout de suite, si je n'avais auparavant
a remettre a quelques personnes des papiers importants dont mon pere
etait le depositaire: c'est un soin dont il m'a charge et qu'il m'a
recommande vivement. Ces papiers ont, je suppose, une importance
politique.
--Alors hate-toi, car nous entrons dans une periode ou il faudra ne pas
se compromettre. Louis-Napoleon a debute par le ridicule et il voudra
sans doute effacer cette impression premiere par la terreur. Si tu ne
peux remettre ces papiers a ceux qui en sont proprietaires, et si tu
veux
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