paye chez Durand, et depuis six mois chez Voisin; vous devez 30,000
francs chez Mellerio, 5,000 francs a votre tailleur...
--Qu'importe ce que je dois, si j'ai des ressources pour payer?
--Mais ou sont-elles, vos ressources? C'est la precisement ce que je
demande: prouvez-moi que vous pourrez me payer dans six mois, dans un
an, et j'attends. Allez-vous vous marier? c'est bien; avez-vous un
heritage a recevoir? c'est bien. Mais non, vous n'avez rien, et il ne
vous reste qu'a disparaitre de Paris et a aller vous faire tuer en
Afrique.
--Vous croyez?
--Vous parlez de vos ressources.
--Je parle de mes amis et des moyens que j'ai de vous payer
prochainement, tres-prochainement.
--Vos amis, oui, parlons-en. Le president de la Republique, n'est-ce
pas? C'est votre ami, je ne dis pas non, mais ce n'est pas lui qui
payera vos dettes, puisqu'il ne paye pas les siennes. Depuis qu'il est
president, il n'a pas paye ses fournisseurs; il doit a son boucher, a
son fruitier; a son pharmacien, oui, a son pharmacien, c'est le mien,
j'en suis sur; il doit a tout le monde, et pour leur faire prendre
patience il leur promet qu'ils seront nommes "fournisseurs de
l'empereur" quand il sera empereur. Mais quand sera-t-il empereur?
Est-ce que s'il pouvait donner de l'argent a ses amis, il laisserait
vendre l'hotel de M. de Morny?
--Il ne sera pas vendu.
--Il n'est pas moins affiche judiciairement pour le moment, et celui-la
est de ses amis, de ses bons amis, n'est-ce pas? Il est meme mieux que
ca, et pourtant on va le vendre.
--Ecoutez, interrompit Poirier, je n'ai qu'un mot a dire: s'il ne
vous satisfait pas, allez-vous-en; si, au contraire, il vous parait
raisonnable, pesez-le; c'est votre fortune que je vous offre; nous
sommes aujourd'hui le 25 novembre, accordez-moi jusqu'au 15 decembre, et
je vous donne ma parole que le 16, a midi, je vous paye le quart de ce
que je vous dois.
--Vous me payez 12,545 francs?
--Le 16; maintenant, si cela ne vous convient pas ainsi, faites ce que
vous voudrez; seulement, je vous previens que votre obstination pourra
vous couter cher, tres-cher.
Le creancier se defendit encore pendant quelques instants, puis il finit
par partir et Poirier revint dans le cabinet.
--Excusez-moi, cher ami, c'etait un creancier a congedier, car j'ai
encore quelques creanciers; reprenons notre entretien. Je disais que le
prince etait pour moi plein de bienveillance et que je vous offrais mon
appui pres
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