ue celui-ci fut nomme president de la Republique, il l'attacha a
sa personne pour le remercier des services qu'il lui avait rendus.
Tel est l'homme qui, en une heure de conversation et par ce que j'ai vu
autour de lui, m'a convaincu que nous touchions a une crise decisive.
XIX
C'etait en sortant pour porter aux Messageries le souvenir et la lettre
que j'envoyais a Clotilde, que j'avais rencontre Poirier. Sur le
Pont-Royal j'avais entendu prononcer mon nom et j'avais apercu Poirier
qui descendait de la voiture dans laquelle il etait pour venir au-devant
de moi.
--A Paris, vous, et vous n'etes pas meme venu me voir?
Je lui expliquai les motifs qui m'avaient amene et qui me retenaient
pres de mon pere.
--Enfin, puisque vous avez pu sortir aujourd'hui, je vous demande
que, si vous avez demain la meme liberte, vous veniez me voir. J'ai
absolument besoin d'un entretien avec vous: un service a me rendre; un
poids a m'oter de dessus la conscience.
--Vous parlez donc de votre conscience, maintenant?
--Je ne parle plus que de cela: conscience, honneur, patrie, vertu,
justice, c'est le fonds de ma langue; j'en fais une telle consommation
qu'il ne doit plus en rester pour les autres. Mais assez plaisante;
serieusement, je vous demande, je vous prie de venir rue Royale, n deg.
7, aussitot que vous pourrez, de onze heures a midi. Il s'agit d'une
affaire serieuse que je ne peux vous expliquer ici, car j'ai dans
ma voiture un personnage qui s'impatiente et que je dois menager.
Viendrez-vous?
--Je tacherai.
--Votre parole?
--Vous n'y croyez pas.
--Pas a la mienne; mais a la votre, c'est different.
--Je ferai tout ce que je pourrai.
Je n'allai point le voir le lendemain, mais j'y allai le surlendemain,
assez curieux, je l'avoue, de savoir ce qu'il y avait sous cette
insistance.
Arrive rue Royale, on m'introduisit dans un tres-bel appartement au
premier etage, et je fus surpris du luxe de l'ameublement, car je
croyais Poirier tres-gene dans ses affaires. Dans la salle a manger une
riche vaisselle plate en exposition sur des dressoirs. Dans le salon,
des bronzes de prix. Partout l'apparence de la fortune, ou tout au moins
de l'aisance doree.
--Je parie que vous vous demandez si j'ai fait un heritage, dit Poirier
en m'entrainant dans son cabinet; non, cher ami, mais j'ai fait quelques
affaires; et d'ailleurs, si je puis vivre en Afrique en soldat, sous la
tente, a Paris il me faut un certain confort
|