famille;" il s'etait engage pour servir en Algerie.
Son arrivee au regiment, ou il etait connu de quelques officiers, fut
une fete: on l'applaudit, on le caressa, et chacun s'employa a lui
faciliter ses debuts dans la vie militaire.
Il montait a cheval admirablement, il avait la temerite d'un casse-cou,
il compta bientot parmi ses amis autant d'hommes qu'il y en avait dans
le regiment, officiers comme soldats, et les grades lui arriverent les
uns apres les autres avec une rapidite qui, chose rare, ne lui fit pas
d'envieux.
Quand j'entrai au regiment, il etait lieutenant, et il voulut bien me
faire l'honneur de me prendre en amitie. Avec la naive assurance de la
jeunesse, j'attribuai cette sympathie de mon lieutenant a mes merites
personnels. Heureusement je ne tardai pas a deviner les veritables
motifs de cette sympathie: j'etais vicomte, et ce titre valait toutes
les qualites aupres "du fils du pere Poirier."
Cela, je l'avoue, me refroidit un peu; j'aurais prefere etre aime pour
moi-meme plutot que pour un titre qui flattait la vanite de "mon ami."
En meme temps, quelques decouvertes que je fis en lui contribuerent a me
mettre sur mes gardes: il etait, en matiere de scrupules, beaucoup
trop libre pour moi, et je n'aimais pas ses railleries, spirituelles
d'ailleurs, contre les gens qu'il appelait des "belles ames."
Mais un hasard nous rapprocha et nous obligea, pour ainsi dire, a etre
amis. Poirier etait la bravoure meme, mais la bravoure poussee jusqu'a
la folie de la temerite; quand il se trouvait en face de l'ennemi,
il s'elancait dessus, sans rien calculer: "Il y a un grade a gagner,
disait-il en riant; en avant!"
A la fin de 1846, lors d'une expedition sur la frontiere du Maroc, il
employa encore ce systeme, et son cheval ayant ete tue, lui-meme etant
blesse, j'eus la chance de le sauver, non sans peine et apres avoir recu
un coup de sabre a la cuisse, que les changements de temperature me
rappellent quelquefois.
--Mon cher, me dit-il dans ce langage qui lui est particulier, je vous
payerai ce que vous venez de faire pour moi. Si vous m'aviez sauve
l'honneur, je ne vous le pardonnerais pas, car je ne pourrais pas vous
voir sans penser que vous connaissez ma honte, mais vous m'avez sauve la
vie dans des conditions heroiques pour nous deux, et je serai toujours
fier de m'en souvenir et de le rappeler devant tout le monde.
En 1848, il revint a Paris, se mit a la disposition de Louis-Napoleon;
et lorsq
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