d'infame complaisance; et notre double amitie, si longtemps paisible et
toujours si pure, est condamnee sans appel comme un double commerce de
galanterie. Que puis-je repondre a de telles accusations? Je n'ai pas
la force de me debattre contra une destinee si deplorable; je me laisse
accabler, humilier, salir. Je pense a ma fille qui se meurt, et que je
trouverai peut-etre morte dans trois jours. Il semble que le ciel soit
en colere contre moi; j'ai donc commis un grand crime en vous aimant?
Votre lettre me fait autant de bien qu'il m'est possible d'en ressentir;
mais que pouvez-vous reparer desormais? Je sais que vous souffrez autant
que moi de mes maux, je sais que vous donneriez votre vie pour m'en
preserver; mais il est trop tard. Je ne vous ferai point de reproches;
je suis perdue, a quoi servirait de me plaindre?
Je ne sais pas comment m'est parvenue votre lettre, mais je vois, au
moyen que vous m'indiquez pour recevoir ma reponse, que vous n'etes pas
loin, et que vous penetrez presque dans la maison. Octave! Octave! vous
m'etes funeste, vous m'avez perdue par la conduite ou vous perseverez
obstinement. A quoi serviront cette sollicitude et ces poursuites
passionnees qui exposent votre vie et qui ruinent mon honneur? Pourquoi
voulez-vous me disputer ainsi a une societe qui rit de nos efforts, et
pour qui notre affection est un sujet de scandale et de moquerie? Sous
quelque deguisement et avec quelque precaution que vous approchiez de
moi, vous serez encore decouvert. La maison est petite, je suis gardee
a vue, et Rosette vous connait; vous voyez ou menent le secours et le
devouement de ces gens-la; pour un louis ils vous secondent, pour deux
ils vous vendent. A quoi vous servira de me voir? vous ne pouvez rien
pour moi. Il faut que mon mari sache tout, et que j'obtienne son pardon.
Ce ne sera pas difficile, je connais trop bien Jacques pour craindre
aucun mauvais traitement de sa part; mais son estime me sera retiree
a jamais, il n'aura plus pour moi que de la compassion, et sa bonte
m'humiliera comme un affront perpetuel. Pour vous, si vous vous obstinez
a me voir encore, vous paierez peut-etre cette obstination de votre vie;
car Jacques se reveillera enfin du sommeil ou la confiance plonge son
orgueil. Je ne puis vous empecher de chercher l'accomplissement de votre
fatale destinee; vous ne pouvez augmenter le mal que vous m'avez fait,
qu'en trouvant la mort dans les consequences de votre amour. Eh bien!
soit. T
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