la
de ses affaires d'une maniere si vraisemblable, Sylvia eut tellement
l'air d'y croire, et nous fumes en apparence si bons amis, qu'elle me
dit le soir: "Oh! quelle confiance heroique de la part de Jacques! il
nous laisse encore ensemble! Songez, Octave, que vous seriez un monstre
si vous en abusiez, et que de ce moment je serais forcee de vous hair."
Jacques est parti ce matin, calme, et me temoignant une affection
vraiment stoique; mais que pense-t-il? Il doit croire que sa femme est
ma maitresse, et pourtant elle ne l'est point. Elle s'est courageusement
refusee a moi, et j'ai eu la force de me soumettre, meme dans les
occasions ou la crainte de la perdre et le trouble de mes passions
auraient du triompher de tous les scrupules. Peut-etre que si Jacques
savait cela, il agirait autrement; peut-etre aurais-je du le lui dire.
C'eut ete un autre genre d'heroisme que de le faire rester en lui
disant: "Ta femme est pure, reprends-la, et je pars." Mais il est ecrit
que je ne serai jamais un heros, cela m'est impossible, et j'ai une
antipathie insurmontable pour les scenes de declamation. Je me connais
trop bien: je serais parti par la porte, et au bout de huit jours je
serais rentre par la fenetre; j'aurais avoue que depuis un an je suis le
plus niais des seducteurs, et je serais devenu criminel aussitot apres
cette belle confession. D'ailleurs, Jacques aurait-il ajoute foi a ma
parole, soit pour le passe, soit pour l'avenir? Je ne peux plus le
croire aveugle. Il y a des instants ou toute cette pompe de generosite
m'en impose tellement, que je me livre a l'admiration avec une
sensibilite puerile; et puis ma raison reprend le dessus, et je me dis
qu'apres tout, la vie est une comedie a laquelle ne se laissent pas
prendre ceux qui la jouent; qu'apres les tirades et les scenes a effet,
chacun essuie son fard, ote son costume, et se met a manger ou a dormir.
Jacques serait ce qu'il croit etre, si la nature l'avait doue comme
moi de passions vives. S'il aimait Fernande comme je l'aime, et s'il y
renoncait comme il fait, je m'inclinerais devant lui. Mais je sais bien
que lorsqu'on est epris comme je le suis, on n'est pas capable de tels
sacrifices. Il aime le genre heroique, et sa paisible nature, ses
passions refroidies par l'habitude du raisonnement ou par l'age, le
secondent merveilleusement. Qu'on lui mette mon coeur dans la poitrine
pendant un quart d'heure, et tout cet echafaudage tombera. Il ne demande
pas mieux que de s'
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