ans la solitude; mais la brise me
l'a emporte en passant, et ton sein n'a pu le retenir! Est-ce une raison
pour que je te haisse et te foule aux pieds? Non! je te reposerai
doucement dans la rosee ou je t'ai prise, et je te dirai adieu, parce
que mon souffle ne peut plus te faire vivre, et qu'il en est un autre
dans ton atmosphere qui doit te relever et te ranimer. Refleuris donc, o
mon beau lis! je ne te toucherai plus.
LXXXII.
DE JACQUES A SYLVIA.
Tours.
Je suis revenu ici. C'est une idee etrange qui m'est passee par la tete,
et que je t'expliquerai dans quelques jours. J'ai recu ta lettre; on me
l'a renvoyee exactement de Paris avec celle de Fernande, qui est bien
affectueuse et bien laconique. Oui, je concois ce qu'elle souffre
en m'ecrivant. Helas! elle ne pourra meme pas m'aimer d'amitie! Mon
souvenir sera un tourment pour elle, et mon spectre lui apparaitra comme
un remords!
Je te remercie de m'assurer qu'elle se porte tout a fait bien, que les
belles couleurs de la sante reviennent a ses joues, et qu'elle pleure sa
fille moins souvent et moins amerement. Oui, voila ce qu'il faut me dire
pour me donner du courage. Du courage! a quoi bon? Il m'en a fallu, et
j'en ai eu. Mais qu'en ferais-je desormais? Tu as beau dire, Sylvia, je
n'ai plus rien a faire sur la terre. Tu sais ce que le medecin, presse
par mes questions, m'a dit de mon fils. J'ai compris a demi-mot ce que
je devais craindre et ce que je pouvais esperer. Le plus riant espoir
qui me reste, c'est de le voir survivre d'un an a sa soeur. Il a le meme
defaut d'organisation. Je ne suis donc pas necessaire a cet enfant, et
je dois travailler a m'en detacher comme d'un espoir aneanti. Je vivrais
encore pour Fernande, si elle avait besoin de moi. Mais, au cas ou celui
qu'elle aime l'abandonnerait un jour, tu es sa soeur, sa vraie soeur par
l'affection et par le sang; tu me remplacerais aupres d'elle, Sylvie, et
ton amitie lui serait moins pesante et plus efficace que la mienne.
Ma mort ne peut que lui faire du bien. Je sais que son coeur est
trop delicat pour s'en rejouir; mais, malgre elle, elle sentirait
l'amelioration de son sort. Elle pourrait epouser Octave par la suite,
et le scandale malheureux que leurs amours ont fait ici serait a jamais
termine.
Tu me dis precisement qu'elle s'afflige beaucoup de l'idee de ce
scandale; que ce souvenir, efface longtemps par la douleur plus
vive encore de la mort de sa fille, et par la crainte de perdr
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