ma maison. On dit meme, tant l'espionnage imbecile et
les interpretations erronees font vite la tour du monde, que j'ai essaye
de la faire passer pour ma soeur, mais que madame de Theursan est venue
demasquer l'imposture. C'est quelque servante, c'est peut-etre madame de
Theursan elle-meme qui repand ce bruit! Voila le parti que les coeurs
vils tirent de la patience et de la generosite des autres. En un mot, je
suis bafoue a Tours. M. Lorrain, un ancien officier de mon regiment a
qui j'ai eu affaire il y a vingt ans, s'amuse a mes depens le plus qu'il
peut. Mais tout cela me regarda, et je m'en charge.
Tu ne prononces pas le nom d'Octave, je devine que tu crois me devoir ce
menagement; mais ne crains rien. Il est bien vrai que je ne puis lire et
tracer ce nom fatal sans un fremissement de haine de la tete aux pieds;
mais il faut bien que je m'y accoutume. Il faut que je sache tout ce qui
se passe la-bas, s'il l'aime, s'il la rend heureuse. Adieu, Sylvia, qui,
seule entre tous, ne m'as jamais fait de mal. Je n'ai pas besoin de te
dire qu'il faut cacher a Fernande ma presence a Tours.
LXXXIII.
DE SYLVIA A JACQUES.
Mon Dieu! que fais-tu donc a Tours? cela m'epouvante. Songes-tu a te
venger des calomnies qu'on repand sur nous? Si je te connaissais moins,
je me le persuaderais. Pourtant, j'ai beau me rappeler l'horreur que tu
as pour le duel, je tremble encore que tu ne sois engage dans quelque
affaire de ce genre; ce ne serait pas la premiere fois que tu te serais
cru force de manquer a tes principes et de faire une chose antipathique
a ton caractere. Je ne vois cependant pas qu'en cette occasion tu doives
jouer ta vie contre celle d'un autre. En quoi cela reparera-t-il le tort
fait a Fernande? Un autre homme que toi repondrait qu'il a son affront
personnel a venger; mais es-tu capable de commettre ce que tu consideres
comme un crime pour satisfaire une vengeance porsonnelle? Tu m'as
raconte ton premier duel, c'etait precisement avec ce Lorrain; tu cedais
bien alors a une consideration de ce genre, mais la necessite etait
urgente; vous etiez tous les jours en presence l'un de l'autre sous les
yeux d'une assemblee, et vous etiez tous deux militaires. Il importait
peu que le canon ou l'epee emportat l'un de vous un jour plus tot
ou plus tard; qu'etait-ce que la vie pour vous dans ce temps-la?
Aujourd'hui que ta position est si differente, comment serait-il
possible que tu fisses tout ce voyage pour te laver de calo
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