aison funeste! Je comprends ce qui est arrive: mon fils est mort.
XCII.
D'OCTAVE A FERNANDE.
Lyon.
Je me suis soumis a ton ordre, et je pense encore que j'ai du le faire;
mais je n'irai pas plus loin: dix lieues suffisent bien pour mettre le
silence et la paix entre lui et moi. De quoi donc as-tu peur pour moi?
Crois-tu donc que Jacques songe a tirer vengeance de mon bonheur? Il est
trop genereux ou trop sage pour cela. J'ai consenti a m'eloigner parce
que ma presence lui serait desagreable; la sienne me ferait moins
souffrir qu'il ne pense. Je ne saurais m'imputer des torts reels envers
lui: il pouvait m'empecher d'en avoir, il avait pour lui le droit et la
force. Je n'ai pas commis un vol en profitant du bien qu'il me laissait.
Est-on coupable parce qu'on lutte avec des etres indifferents au dommage
qu'on leur fait, ou trop magnifiques pour daigner s'en apercevoir? Si
Jacques est sublime en ceci, comme tu le crois, raison de plus pour
que je le voie avec plaisir, et pour que je lui donne la plus franche
poignee de main que j'aie donnee de ma vie. Je ne concois rien a ces
subtilites de sentiment: idees fausses dont tu t'entoures pour te
torturer, comme si tu n'etais pas deja assez malheureuse, ma pauvre
enfant! Pleure les pertes cruelles dont le sort t'afflige; je les pleure
avec toi, et rien ne me consolera jamais de la mort de ta fille, pas
meme... o ma Fernande! pas meme cet evenement que tu ajoutes a la somme
de tes douleurs, et que je considere comme un bienfait du ciel, comme un
acte de reconciliation entre lui et moi. Laisse mon coeur bondir de joie
a cette idee; laisse-moi faire mille reves, mille projets delicieux.
Elle s'appellera Blanche comme celle qui est morte, car ce sera une
fille aussi; elle aura le joli regard et les cheveux blonds de ce petit
ange qui te ressemblait tant. Tu verras qu'elle sera toute pareille:
aussi belle, aussi caressante, aussi capricieuse et plus forte; car les
enfants de l'amour ne meurent jamais: Dieu les doue de plus d'avenir et
de vigueur que ceux du mariage, parce qu'il sait qu'il leur faut plus de
force pour resister aux maux d'une vie ou on les accueille mal; veux-tu
donc que cela soit vrai pour ton enfant? Pleureras-tu sur lui, au lieu
de l'embrasser le jour ou il viendra au monde? Ah! si tu le recois avec
douleur, si tu le repousses, si tu refuses de l'aimer, parce qu'il
n'aura pas Jacques pour pere, laisse-le-moi et que la Providence
l'abandonne: je m'en char
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