is aujourd'hui. Oui! j'ai bien fait de lire; tu as vu ma
conduite aussitot apres cela. Mon parti a ete pris bien vite, et j'ai eu
des ce moment la serenite du desespoir dans l'ame et sur le visage.
[Illustration: Ce soir a six heures, et au sabre.]
Il a raison, leurs enfants ne mourront pas; la nature benit et caresse
celui qui est aime, le froid de la mort s'etend sur celui qui ne l'est
plus. Tout l'abandonne, et les plantes memes se dessechent sous la main
du maudit; la vie s'eloigne de lui, et le cercueil s'ouvre pour le
recevoir, lui et les premiers-nes de son amour; l'air qu'il respire
est empoisonne, et les hommes le fuient: Ce malheureux, disent-ils, ne
mourra donc jamais!
Cette lettre m'a dicte mon devoir, j'ai vu ce qu'il fallait dire a
Fernande pour la consoler et la guerir; il le sait, lui, il la connait
mieux que moi maintenant. J'ai realise tout ce qu'il lui promettait de
ma part; je me suis conforme au caractere qu'il me suppose, et j'ai vu
qu'en effet tout ce qu'elle desirait, c'etait d'etre delivree de mon
amour. Des que je lui ai dit qu'il etait eteint, je l'ai vue renaitre,
et ses yeux semblaient me dire: "Je puis donc aimer Octave a mon aise!"
Qu'elle l'aime donc! Un homme moins malheureux que moi eut peut-etre
trouve l'occasion de se sacrifier pour l'objet de son amour et d'en etre
recompense a sa derniere heure par les benedictions des heureux qu'il
eut faits; mais mon sort est tel qu'il faut que je me cache pour mourir.
Mon suicide aurait l'air d'un reproche; il empoisonnerait l'avenir que
je leur laisse; il le rendrait peut-etre impossible; car, apres tout,
Fernande est un ange de bonte, et son coeur, sensible aux moindres
atteintes, pourrait se briser sous le poids d'un remords semblable.
D'ailleurs le monde la maudirait, et, apres m'avoir poursuivi de ses
feroces railleries pendant ma vie, il poursuivrait ma veuve de ses
aveugles maledictions apres ma mort. Je sais comment les choses se
passent; un coup de pistolet dans la tete fait tout a coup un heros ou
un saint de celui qu'on meprisait ou qu'on detestait la veille. J'ai
horreur de cette ridicule apotheose; je dedaigne trop les hommes au
milieu desquels j'ai vecu pour les appeler a mon agonie comme a un
spectacle; nul ne saura pourquoi je meurs; je ne veux pas qu'on accuse
ceux qui me survivent, et je ne veux pas qu'on fasse grace a ma memoire.
J'ai voulu voir Octave avant de partir, et m'assurer par mes yeux que je
pouvais lui legue
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