de persecutions; mais j'ai fini par la meriter a force de tendresse; a
present, elle m'appartient legitimement. Que les hommes ratifient cette
union qu'ils ont en vain combattue!
Tu sais bien, Fernande, que cela est sur, quant a moi; la Providence
peut faire le reste, et elle le fera, n'en doute pas. Notre destinee
etait de nous rencontrer, de nous comprendre et de nous aimer. Le hasard
finit par se soumettre a l'amour; la force attractive surmonte tous les
obstacles, et l'aimant va embrasser le fer dans les entrailles de
la terre, en depit du roc qui les separe. Pauvre femme tremblante,
jette-toi donc dans mes bras, je te protegerai contre l'univers entier!
Pauvre mere desolee, essuie tes larmes; les enfants que nous aurons
ensemble ne mourront pas!
Reviens a l'esperance; souviens-toi des beaux jours que nous avons eus
au milieu de tes plus grandes anxietes; souviens-toi des miracles que
fait l'amour. Quand nous sommes dans les bras l'un de l'autre, ne
sommes-nous pas perdus dans un monde de delires, ou les cris et les
plaintes de la terre n'arrivent pas? Sois sure d'ailleurs que tu ne fais
pas a ton mari tout le mal que tu penses: c'est un homme trop superieur
pour se laisser affecter des insultes, de la sottise; il sait qu'elles
ne peuvent l'atteindre, et il ne croit certainement pas que nous nous
fassions un jeu de l'y exposer. Il sait peut-etre que nous nous aimons,
ou au moins il s'en doute; et ne vois-tu pas que cela ne lui cause
aucune colere? C'est un homme calme et raisonneur; de plus, c'est un
homme excellent: s'il savait tes anxietes, il t'en consolerait, il te
rassurerait sur tes craintes, et je gage bien qu'il le fera quelque
jour. Encore deux ou trois ans, et il sera vieux, et l'amour-propre de
l'amant delaisse fera place a la generosite de l'ami console. A present,
il voyage et se tient eloigne, parce que notre position a tous est
difficile, et notre contenance desagreable en presence l'un de l'autre.
Le temps effacera ces repugnances plus vite peut-etre que nous ne
l'esperons: l'avenir semble place au dela de notre atteinte; mais le
temps travaille avec une rapidite dont on s'etonne quand on voit son
oeuvre accomplie. Abandonne-toi donc a l'amour: il sera toujours le
maitre; ta resistance ne sert qu'a diminuer les joies qu'il te donne.
Oh! elles sont si belles et si enivrantes! Respecte-les comme les dons
sacres du ciel; travaille a les preserver des injures du sort, qui est
stupide et aveugle, et
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