viens que je te disais une fois: "Que
peut-il arriver de pire a un honnete homme? D'etre force de mourir,
voila tout." Aujourd'hui, je vois qu'il y a quelque chose de pis: c'est
d'etre force de vivre.
[Illustration: Au milieu d'une haie de spectateurs.]
XC.
DE SYLVIA A JACQUES.
Jacques! reviens, Fernande a besoin de toi; elle est malade de nouveau
parce qu'elle vient d'eprouver une grande douleur. Rien ne peut la
calmer. Elle t'appelle avec angoisse, elle dit que tous les maux qui lui
arrivent viennent de ton abandon; que tu etais sa providence, et que tu
l'as quittee. Elle s'effraie de ta longue absence, et dit qu'il faut que
tu sois informe de tout pour avoir pris ainsi en horreur ta famille et
ta maison. Elle craint que tu ne la haisses, et la douleur que cette
idee lui cause resiste a toutes nos consolations; elle veut mourir,
parce que, dit-elle, il n'est pas un instant de repos et d'espoir sur
la terre pour quiconque a possede ton affection et l'a perdue. Prends
courage, Jacques, et viens souffrir ici! Tu es encore necessaire; que
cette idee te donne de la force! Il y a autour de toi des etres qui ont
besoin de toi. Et puis ta vie n'est pas finie. N'y a-t-il donc rien
autre chose que l'amour? L'amitie que Fernande a pour toi est plus
forte que l'amour que lui inspire Octave. Tous ses soins et tout son
devouement, qui s'est vraiment soutenu au dela de mon esperance,
echouent aupres d'elle quand il s'agit de toi. Peut-il en etre
autrement? Peut-elle venerer un autre homme comme toi? Reviens vivre
parmi nous. Me comptes-tu pour rien, dans ta vie? ne t'ai-je pas bien
aime? t'ai-je jamais fait du mal? ne sais-tu pas que tu es ma premiere
et presque ma seule affection? Surmonte l'horreur que t'inspire Octave,
ce sera l'affaire d'un jour. J'ai souffert aussi pour m'habituer a le
voir a ta place: mais laisse-la-lui et prends-en une meilleure; sois
l'ami et le pere, le consolateur et l'appui de la famille. N'es-tu pas
au-dessus d'une vaine et grossiere jalousie? Reprends le coeur de ta
femme, laisse le reste a ce jeune homme! L'imagination et les sens de
Fernande ont peut-etre besoin d'un amour moins eleve que celui que tu
veux lui inspirer. Tu t'es resigne a ce sacrifice, resigne-toi a en
etre le temoin, et que la generosite fasse taire l'amour-propre. Est-ce
quelques caresses de plus ou de moins qui entretiennent ou detruisent
une affection aussi sainte que la votre? Cette jalousie d'enfant n'est
pas digne d
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