ose a vous remettre, reprit
Sylvia; c'est les trois lignes ecrites que Jacques vous a montrees hier,
les seules preuves qui existent de ma naissance: vous pouvez et vous
devez les aneantir. Voici encore la moitie de l'image, laissez-moi
l'autre; elle ne peut rien apprendre a personne, et j'y tiens a cause
de Jacques.--Bonne, bonne personne!" s'ecria madame de Theursan, en
acceptant avec transport le papier que Sylvia lui offrait: ce fut toute
l'expression de sa reconnaissance. Dans ce mauvais coeur, la joie d'etre
debarrassee d'une crainte personnelle l'emporta sur le repentir et la
confusion d'une conscience coupable: elle partit precipitamment.
Sylvia resta longtemps immobile a la regarder; quand celle-ci eut
disparu derriere la grille, elle croisa ses bras sur sa poitrine,
et j'entendis ce mot expirer a demi sur ses levres pales: "Ma
mere!--Explique-moi ce mystere, Sylvia, lui dis-je en l'abordant, et en
lui baisant la main avec une sorte de veneration irresistible; comment
cette femme est-elle ta mere, lorsque tu te croyais la soeur
de Jacques?" Son visage prit une expression de recueillement
indefinissable, et elle me repondit: "Il n'y a au monde que cette femme
qui puisse savoir de qui je suis fille, et elle ne le sait pas! c'est la
ma mere.--Elle a donc ete aimee du pere de Jacques?--Oui, dit-elle, et
d'un autre en meme temps.--Mais qu'y avait-il sur ce papier?--Quatre ou
cinq mots de la main du pere de Jacques, attestant que j'etais la fille
de madame de Theursan, mais declarant qu'il n'etait point sur d'etre mon
pere, et que, dans le doute, il n'avait pas voulu se charger de moi.
Cette image, dont j'ai la moitie, c'est lui qui me la mit au cou en
m'envoyant a l'hospice des Orphelins.--Quelle destinee que la tienne,
Sylvia! lui dis-je; Dieu savait bien pourquoi il te louait d'un si grand
coeur.--Mes peines ne sont rien, repondit-elle en faisant un geste comme
pour eloigner une preoccupation personnelle; ce sont les votres qui me
font du mal, celles de Fernande, celles de Jacques surtout.--Et n'as-tu
pas de compassion aussi pour les miennes? lui dis-je tristement.--C'est
toi que je plains le plus, me dit-elle, parce que c'est toi qui es le
plus faible. Cependant il y a une chose qui me reconcilie, c'est que tu
sois venu; cela est d'un homme." Je voulus m'expliquer avec elle sur nos
communes douleurs; je me sentais en ce moment dispose a une confiance et
a une estime que je ne retrouverai peut-etre jamais dans mon
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