te ou nourrice, on est excusable d'avoir
quelque fantaisie; mais il ne faut pas que cela se passe sous le toit
conjugal; c'est une grande imprudence, et voila comme elles s'en
vengent. Ne te fache pas de ce que je te dis, c'est le propos d'un
commis voyageur qui, entendant raconter l'aventure de Fernande ce matin
dans un cafe, a dit que tu meritais un peu ton sort; c'est peut-etre un
mensonge. Quoi qu'il en soit, viens, ne fut-ce que pour decouvrir la
retraite de ton rival et le traiter comme il le merite; je t'aiderai. Je
ferme ma lettre, est minuit. Ta femme vient de s'endormir, c'est-a-dire
qu'elle va mieux. Je lui ferai des excuses demain.
LXXIV.
DE FERNANDE A OCTAVE.
Tilly, pres Tours.
Je suis chez ma mere: offensee et presque insultee par M. Borel, je suis
venue me refugier, non dans le sein d'une protectrice et d'une amie,
mais sous le toit d'une personne dont les lecons, quelque dures qu'elles
soient, ne seront point des usurpations de pouvoir. Je puis entendre
sortir de sa bouche bien des paroles qui me revoltaient dans celle de ce
soldat brutal et grossier. Je pars demain pour Saint-Leon; ma mere m'y
conduit. Elle sait notre miserable aventure; qui ne la sait pas! mais
elle a ete moins cruelle pour moi que je ne m'y attendais. Elle rejette
tout le blame sur mon mari, et, malgre tout ce que je puis dire,
s'obstine a croire que Sylvia est sa maitresse, et qu'il m'abandonne
pour vivre avec elle. Je ne sais pas qui a repandu dans le pays cet
infame mensonge; tout le monde l'accueille avec l'empressement qu'on met
a croire le mal. Helas! ce n'etait donc pas assez que je le rendisse
ridicule par ma folle conduite, je ne puis empecher qu'on le calomnie!
Sa bonte, sa confiance envers moi, seront attribuees a des motifs
odieux! Je suis sure que Rosette nous trahit et vend nos secrets; je
l'ai rencontree tout a l'heure comme elle sortait de chez ma mere, et
elle s'est beaucoup troublee en me voyant. Un instant apres, ma mere
est venue me parier de mon menage, de mon imprudent amour, et j'ai vu
qu'elle etait informee des plus petits details de notre histoire; mais
informee de quelle maniere! Les faits, en passant par la bouche de cette
servante, etaient salis et denatures, comme vous pouvez penser: nos
premiers rendez-vous au grand ormeau, alors que je croyais me livrer a
un sentiment si pur et si peu dangereux, ont ete presentes comme une
intrigue effrontee; l'accueil que Jacques vous fit alors a ete traite
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