e de te dire
ce qu'il en est.
Elle m'a chasse de sa chambre, et voulait envoyer chercher sur-le-champ
des chevaux de poste et quitter une maison ou elle se disait insultee et
opprime. Eugenie s'est efforcee de la calmer, et une violente attaque de
nerfs qui cette fois est, je crois, bien, reelle, est venue terminer le
differend. Elle est au lit maintenant, et Eugenie passera la nuit aupres
d'elle; moi je me hate de t'ecrire, parce que je crains que demain la
force et la volonte ne lui reviennent de partir, et je ne veux pas la
laisser s'en aller ainsi toute seule avec cette petite soubrette, qui
m'a l'air, par parenthese, d'une sournoise tres-rouee. Je ferai mon
possible pour lui persuader de t'attendre; mais, pour Dieu! tire-moi
bien vite de cet embarras. Ne me fais pas de reproches, car tu vois que
j'ai agi pour le mieux, et que je ne suis pas responsable de ce qui
arrivera desormais; si elle veut partir, faire quelque folie, se laisser
enlever, que sais-je? puis-je la mettre sous les verrous? Je ne le cache
pas qu'elle a la tete perdue; dans l'indignation que m'inspirait sa
resistance a mes avis, il m'est echappe qu'elle ferait mieux d'aller
soigner sa fille qui se meurt, que de s'occuper d'un amour extravagant
qui la livre deja a la risee de toute une province et de tout un
regiment. J'ai ete fache aussitot d'avoir trahi le secret que tu m'avais
recommande, car elle est tombee dans des convulsions qui m'ont prouve
que cette nouvelle lui fait beaucoup de mal, et qu'elle n'a pas oublie
l'amour maternel. Je termine en te priant d'avoir de l'indulgence
envers elle. Je connais ton sang-froid, et compte sur la prudence de ta
conduite, mais joins-y un peu de pitie pour cette pauvre egaree. Elle
est bien jeune, elle pourra se ranger et se repentir. Il y a de bien
bonnes meres de famille qui ont eu leurs jours d'egarement. Elle a, je
crois, un bon coeur, du moins avant son mariage elle etait charmante; je
ne l'ai plus reconnue quand tu nous l'as ramenee avec des caprices, des
convulsions et des violences dont je ne l'aurais jamais crue capable
autrefois. Tu m'as paru etre un mari bien debonnaire, je ne te le cache
pas; tu vois ce que c'est que d'etre trop amoureux de sa femme. D'autres
disent que tu as quelques torts a te reprocher, et que tu vis la-bas
dans une intimite un peu trop tendre avec une espece de parente qui est
venue te trouver apres ton mariage, on ne sait pas d'ou. Je sais bien
que lorsqu'une femme est encein
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