t, la belle dame
s'etait moquee de lui!
Juana etait arrivee sur ses treize ans. Un beau jour, paree comme une
dame, elle etait descendue dans la salle. Non pour mettre la main a
la besogne, fi donc! mais pour suppleer la maitresse de maison, morte
depuis longtemps et remplacee par l'excellente matrone que nous avons vu
precisement bougonner la jeune fille, laquelle matrone repondait au nom
de Barbara.
Dona Juana s'etait mise a surveiller le personnel, peu nombreux d'abord,
a faire marcher la maison avec une maitrise telle que nul ne se fut
avise de lui resister. En meme temps, elle savait si adroitement
contenter le client, elle savait si bien distribuer sourires et
louanges, avec tant d'adresse, qu'en peu de temps l'auberge de la Tour
etait devenue une des mieux achalandees de tout Seville.
Alors, la morale etait de nouveau intervenue, toujours representee par
le digne Manuel, lequel avait fait remarquer qu'il serait scandaleux que
Juana se meurtrit a la besogne, alors que ce paresseux de Chico, qui
allait bien sur ses dix-sept ans, se gobergerait tranquillement, sous le
fallacieux pretexte qu'il etait trop petit.
La meme morale avait ajoute que, lorsqu'on est pauvre et qu'on n'a
pas de famille, il faut travailler pour gagner sa vie. Chico s'etait
demande, non sans terreur, ce qu'il pourrait bien faire pour gagner sa
vie. Mais, comme Juana avait paru approuver cette morale, Chico, et de
bonne volonte, avait consenti a ce travail qui devait faire de lui un
homme libre.
Manuel en avait aussitot profite pour lui attribuer les besognes les
plus basses et les plus dures aussi, en echange de quoi il lui octroyait
liberalement le gite et la patee.
La besogne assignee etait au-dessus des forces du nain. Peut-etre
l'eut-il accomplie, vaille que vaille, si on avait su menager sa
susceptibilite grande. Mais la susceptibilite de Chico etait une chose
qui ne comptait pas. Dans ses nouvelles fonctions, le nain devint tout
de suite le souffre-douleur de tous.
Le plus terrible est que ses occupations le tenaient tout le jour loin
de la presence de Juana, ce qui, en soi, etait deja un cruel tourment et
ce qui avait, en outre, le grave inconvenient de le livrer a la
merci d'une valetaille et d'une clientele souvent avinee, qui ne lui
menageaient ni les humiliations ni les coups.
Jamais il n'avait ete aussi malheureux.
Aussi ce ne fut pas long. Au bout de quelques jours d'un supplice sans
nom, Chico planta la tablier
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