a lui apparaissait comme une chose
monstrueuse, impossible. Ce meme petit garcon, diabolique peut-etre,
enrage assurement, qui avait la pretention de ne reconnaitre ni maitre
ni autorite, apres avoir facilement accepte l'autorite de Juana, l'avait
si bien reconnue pour son unique maitre que, parvenu a l'age d'homme,
il l'appelait encore frequemment: "Petite maitresse", ce dont la jeune
fille se montrait meme tres fiere.
Les enfants avaient grandi. Juana etait devenue une jolie jeune fille.
Chico etait devenu un homme... mais il etait reste enfant par la taille.
Juana avait d'abord ete prodigieusement surprise de voir que, peu a peu,
elle etait aussi grande, puis plus grande que son compagnon, qui avait
quatre ans bien sonnes de plus qu'elle. Elle en avait ete ravie. Sa
poupee resterait toujours une petite poupee. Ce serait charmant pour
elle. Avec la raison, ce sentiment egoiste avait fait place a la pitie.
D'autant que Chico se montrait tres mortifie et tres chagrin de rester
toujours tout petit, alors que tous grandissaient autour de lui.
Et Juana s'etait bien promis de ne jamais abandonner ce petit. Que
deviendrait-il sans elle?
Ce qui n'avait ete d'abord que l'effet de l'habitude la soumission et
l'obeissance passive de Chico s'accrurent encore, s'il etait possible,
par suite d'un sentiment nouveau que lui-meme n'arrivait pas, sans
doute, a bien demeler: l'amour. Mais l'amour dans ce qu'il avait de plus
pur: l'amour absolu, surhumain. Et il ne pouvait en etre autrement.
Durant des annees, Juana avait ete pour lui une sorte de petit Dieu
devant lequel il etait en adoration perpetuelle Pour elle, rien n'etait
trop beau, ni trop fin, ni trop riche. Toutes ses pensees convergeaient
vers un but unique: faire plaisir a Juana, satisfaire les caprices de
Juana, dut son coeur en saigner. Quand elle etait la, il n'avait plus
ni volonte, ni raisonnement, ni sensations. C'etait elle qui pensait,
parlait, eprouvait pour eux deux. Lui ne vivait que par elle et ne
savait qu'admirer et approuver aveuglement ce qu'elle avait decide.
Cet amour etait reste pur de toute pensee charnelle. Il avait beau dire
qu'il etait un homme, il savait bien, tiens! que ce n'etait pas. Cette
pensee d'un mariage possible entre une femme, une vraie femme, et lui,
bout d'homme, ne l'avait meme pas effleure. Est-ce que c'etait possible,
voyons? Il avait fallu que cette grande dame lui en parlat pour
reveiller en lui de telles idees. Encore, suremen
|