nt a grands coups repetes sur les coins qui s'enfoncaient, et
alors, sous la pression violente, l'huile chaude commencait a couler
dans les reservoirs. C'etait, sous les solives basses, un vacarme
effroyable; a mesure qu'augmentait la pression, les pilons dansaient en
rebondissant plus haut et plus fort sur le bois dur et coince; on ne
s'entendait plus; s'il avait un mot a dire, l'homme devait le hurler a
l'oreille de l'autre. Jusqu'au moment enfin ou une sonnette, apres le
soixantieme coup, leur indiquait mecaniquement le temps de declencher
le chasse-coin: deux a trois chocs sourds, et cela degageait toute la
presse, en un ebranlement de cataclysme. Alors ils extrayaient des
etreindelles les tourteaux durs comme planches, y aplatissaient d'autres
sacs remplis et les remettaient dans les presses; et la danse sauvage
recommencait, faisant trembler les murs et craquer les mortaises.
Les hommes peinaient, manches retroussees, tout luisants de graisse et
d'huile. Une odeur fade flottait en buee sous le plafond bas et sombre
et le sol etait gluant, comme s'il eut ete enduit de savon. Bientot
aussi le meunier etait a l'ouvrage; et au pesant vacarme des pilons, le
moulin melait son tic-tac saccade et rageur. Parfois les deux moulins a
ble marchaient en meme temps; alors la charge devenait trop forte pour
la machine, dont le regulateur ralenti laissait pendre ses lourdes
boules de cuivre, comme des tetes d'enfants fatigues. En vain le
chauffeur bourrait-il de charbon son foyer; le moteur essouffle n'en
pouvait plus. Il fallait que le meunier finit par lui retirer une des
meules; et aussitot la machine reprenait haleine et faisait tournoyer
ses boules de cuivre, comme en une ronde folle de joyeuse delivrance.
Puis tout se regularisait et le travail continuait en une monotonie sans
fin.
A huit heures, les ouvriers avaient trente minutes de repit pour
dejeuner. Lorsque le temps etait beau, ils mangeaient leurs tartines
dans la cour de la fabrique, alignes contre le mur crepi a la chaux
blanche. Ranimes par l'air pur du matin, ils echangeaient des propos
enjoues. A huit heures et demie, les pilons se remettaient a bondir et
cela durait alors jusqu'a midi, avec la seule distraction de la goutte
de genievre que leur apportait vers dix heures Sefietje, la vieille
servante de M. de Beule. C'etait un moment exquis. On avalait l'alcool
d'une lampee et sentait sa chaleur descendre jusqu'au fond du corps.
Pour sur, ca vous descendait p
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