qui, a la faveur du
brouillard et des ravins, etaient venus faire un _hourrah_. Aussitot
les escadrons de service de la Garde s'elancerent dans la plaine; nous
les suivimes, et, pour raccourcir notre chemin, nous traversames un
ravin. Dans un instant, nous fumes devant cette nuee de sauvages qui
hurlaient comme des loups et qui se retirerent. Nos escadrons finirent
par les atteindre et leur reprendre tout ce qu'ils avaient enleve de
bagages, de caissons, en leur faisant essuyer beaucoup de pertes.
Lorsque nous entrames dans la plaine, nous vimes l'Empereur presque au
milieu des Cosaques, entoure des generaux et de ses officiers
d'ordonnance, dont un venait d'etre dangereusement blesse, par une
fatale meprise: au moment ou les escadrons entraient dans la plaine,
plusieurs de ses officiers avaient ete obliges, pour se defendre, et
pour defendre l'Empereur, qui etait au milieu d'eux et qui avait
failli etre pris, de faire le coup de sabre avec les Cosaques. Un des
officiers d'ordonnance, apres avoir tue un Cosaque et en avoir blesse
plusieurs autres, perdit, dans la melee, son chapeau, et laissa tomber
son sabre. Se trouvant sans armes, il courut sur un Cosaque, lui
arracha sa lance et se defendit avec. Dans ce moment, il fut apercu
par un grenadier a cheval de la Garde qui, a cause de sa capote verte
et de sa lance, le prit pour un Cosaque, courut dessus et lui passa
son sabre au travers du corps[22].
[Note 22: Cet officier se nommait M. Leaulteur. (_Note de
l'auteur._)]
Le malheureux grenadier, desespere en voyant sa meprise, veut se faire
tuer; il s'elance au milieu de l'ennemi, frappant a droite et a
gauche; tout fuit devant lui. Apres en avoir tue plusieurs, n'ayant pu
se faire tuer, il revint seul et couvert de sang demander des
nouvelles de l'officier qu'il avait si malheureusement blesse.
Celui-ci guerit et revint en France sur un traineau.
Je me rappelle qu'un instant apres cette echauffouree, l'Empereur,
etant a causer avec le roi Murat, riait de ce qu'il avait failli etre
pris, car il s'en est fallu de bien peu. Le grenadier-velite Monfort,
de Valenciennes, avait encore eu l'occasion de se distinguer, en tuant
et en mettant hors de combat plusieurs Cosaques.
Nous restames encore quelque temps dans cette position, et nous nous
mimes en marche, laissant Kalouga sur notre gauche. Nous traversames,
sur un mauvais pont, une riviere fangeuse et fort escarpee, et primes
la direction de Mojaisk.
Le 26, no
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