Pres d'une voiture, l'on voyait etendue a terre et sur le
dos, une jolie femme, morte de saisissement. Nous continuames a
marcher sur une route assez belle. Le soir, nous arretames et nous
formames notre bivac dans un bois, afin d'y passer la nuit.
Le lendemain 21, de grand matin, nous nous remimes en marche, et, dans
le milieu du jour, nous rencontrames un parti de Cosaques reguliers,
que l'on chassa a coups de canon. Apres avoir marche une partie de
cette journee a travers les champs, nous arretames pres d'une prairie,
au bord d'un ruisseau, ou nous passames la nuit.
Le 22, nous eumes de la pluie. L'on marcha lentement et avec peine
jusqu'au soir, ou nous arretames et primes position pres d'un bois.
Dans la nuit, nous entendimes une forte explosion: nous sumes, apres,
que c'etait le Kremlin que le marechal Mortier venait de faire sauter,
par le moyen d'une grande quantite de poudre que l'on avait mise dans
les caves. Le marechal etait parti de Moscou trois jours apres nous,
le 22, avec ses dix mille hommes, dont deux regiments de Jeune Garde
que nous rejoignimes, quelques jours apres, sur la route de Mojaisk.
Le reste de cette journee, nous fimes peu de chemin, quoique marchant
toujours.
Le 24, nous n'etions pas loin de Kalouga. Le meme jour, l'armee
d'Italie, commandee par le prince Eugene, ainsi que d'autres corps que
le general Corbineau commandait, se battaient, a Malo-Jaroslawetz,
contre l'armee russe qui voulait nous disputer le passage. Dans cette
lutte, qui fut sanglante, 16000 hommes des notres se battirent contre
70 000 Russes, qui perdirent 8 000 hommes, et nous 3 000. Nous eumes
plusieurs officiers superieurs tues et blesses, entre autres le
general Delzons, frappe d'une balle au front. Son frere, qui etait
colonel, voulut le secourir; a son tour, il fut atteint d'une seconde
balle; tous deux expirerent a la meme place.
Le 25, au matin, j'etais de garde depuis la veille au soir, pres d'une
petite maison isolee ou l'Empereur etait loge et ou il avait passe la
nuit; le soleil se montrait au travers d'un epais brouillard, comme il
en fait souvent au mois d'octobre, quand, tout a coup et sans prevenir
personne, il monta, a cheval, suivi seulement de quelques officiers
d'ordonnance. A peine etait-il parti, que nous entendimes un grand
bruit; un moment, nous crumes que c'etaient des cris de "Vive
l'Empereur!" mais nous entendimes crier: "Aux armes!" C'etaient plus
de 6 000 Cosaques commandes par Platoff,
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